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27 April 2024
0 11 minuti 5 anni

 

Plus de 200 parlementaires de droite et de gauche se sont entendus sur un texte permettant de déclencher un référendum d’initiative partagée pour s’opposer à la vente d’ADP. Une initiative inédite qui illustre l’isolement de la majorité dans ce dossier.

Quelque 218 députés et sénateurs de tous bords politiques ont signé une proposition de référendum d’initiative partagée (RIP) contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP). Un bon coup politique qui a pris l’exécutif par surprise alors que le sujet, explosif, interpelle l’opinion. Pourtant une autre option est sur la table.

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Comment se positionne l’exécutif face au RIP ?

«Coup politique», «drôle d’attelage» : entre agacement, sarcasme et un soupçon de mauvaise foi, l’exécutif, pas très inspiré, cherchait encore mercredi la bonne réplique à l’initiative de ces députés et sénateurs. Sur la forme, difficile de reprendre ces derniers, a convenu la secrétaire d’Etat à la Lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa : «C’est la liberté des parlementaires, c’est la démocratie qui s’exprime.» Sur le fond, «un grand aspect du métier de gestionnaire [est de s’occuper] des boutiques, des duty free : est-ce que c’est le rôle de l’Etat ?» a questionné le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, relayant le principal argument du gouvernement dans ce dossier.

C’est surtout sur le rassemblement «baroque» de ces derniers qu’ont ironisé les membres du gouvernement : «Que LR fasse front commun avec La France insoumise, je ne savais pas que je verrais ça dans ma vie politique», s’est exclamée la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. Même registre pour le patron de Bercy, Bruno Le Maire, face à une Assemblée tapageuse : «Cela a dû vous faire bizarre de vous retrouver sur la même estrade que les socialistes et les communistes», a-t-il nargué face aux bancs des élus LR, renvoyés à leur soutien antérieur aux privatisations : «Vous ne savez plus où vous habitez !»

Difficile toutefois pour l’exécutif d’attaquer de front la démarche de ses opposants : non seulement le dispositif est parfaitement constitutionnel, mais certains dans le camp présidentiel envisagent même de le faciliter dans le cadre de la future réforme institutionnelle, tant les conditions de son déclenchement sont exigeantes. Difficile aussi de tacler trop franchement l’initiative alors que l’exécutif, souvent critiqué pour son manque d’écoute (qu’il a tenté de corriger au fil du grand débat), affiche sa conversion à la démocratie participative et promet de la renforcer encore à l’issue de la consultation. Une perspective qui semblait lointaine mercredi à l’écoute d’un Bruno Le Maire qui dénonçait «l’arme du référendum».

Pourquoi s’est-il mis dans la galère ?

Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Le gouvernement aurait dû méditer sur ce dicton. Depuis sa présentation en Conseil des ministres le 18 juin 2018, les vents contraires n’ont cessé de souffler contre le projet de loi prévoyant la privatisation des aéroports de Paris. Puis, l’automne suivant, la bronca a commencé au sein des compagnies aériennes, via leur syndicat, la Fédération nationale de l’aviation marchande. Son président n’y est pas allé par quatre chemins pour fustiger l’opération : «On ne marchande pas l’avenir d’un pays et d’un aéroport. On est en train d’avoir une vision court-termiste dans laquelle la garantie de la rente l’emporte sur l’intérêt général.» L’hostilité semble du même acabit pour la majorité des 6 000 salariés de l’entreprise : «La politique des frontières, dans son ensemble, doit rester du ressort de l’Etat», déclarait le mois dernier à Libé Pascal Papaux, le secrétaire du comité d’entreprise.

Début 2019, les parlementaires prennent le relais de la contestation. Le 5 février, les sénateurs PS, PCF et LR votent contre l’article 49 de la loi Pacte (pour Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) prévoyant la privatisation d’ADP. Ce front uni suscite alors un commentaire sarcastique du ministre de l’Economie : «La recomposition politique nous réserve encore bien des surprises.» En Ile-de-France, 250 élus socialistes décident d’en rajouter une couche en signant un appel demandant au gouvernement de faire machine arrière. Pendant ce temps, sur un certain nombre de ronds-points tenus par les gilets jaunes, cette privatisation devient un catalyseur.

Face à ce bruit de fond persistant, le gouvernement a choisi, semaines après semaines, de ne pas dévier d’un millimètre. Bruno Le Maire a inlassablement martelé que la puissance publique n’a pas vocation à être un gestionnaire d’aéroports, et encore moins de galerie de commerces en duty free. Mieux encore, quand Benjamin Griveaux, alors porte-parole du gouvernement, se hasarde à déclarer que l’Etat pourrait finalement conserver 20 % du capital d’ADP, il se fait immédiatement taper sur les doigts par Bercy. Irrédentisme quand tu nous tiens.

Pourquoi la pole position de Vinci pose-t-elle question ?

Rarement une opération de privatisation n’aura été autant associée au nom d’un seul candidat : le groupe de BTP Vinci. Il est vrai que l’entreprise est déjà actionnaire à hauteur 8 % du capital et qu’elle ne fait pas mystère de son envie de passer la barre des 50 %. Certes, ce ne serait pas le premier aéroport qui tomberait dans son escarcelle, puisque Vinci en exploite déjà 45 à travers le monde. Seul hic, le bâtisseur a déjà été le bénéficiaire d’une opération de privatisation contestée : celle d’une partie du réseau autoroutier français, en 2006. A l’époque, le contrat a été tellement mal ficelé que l’Etat a dû, depuis, se contorsionner pour limiter les hausses de tarifs des péages, particulièrement mal vécues par les automobilistes.

S’ajoute à ce passif le délicat dossier des aéroports nantais. Vinci est déjà l’exploitant de celui de Nantes-Atlantique et aurait dû se voir confier la plateforme de Notre-Dame-des-Landes. La décision du gouvernement Philippe d’arrêter ce projet controversé a créé une situation inédite. Vinci avait engagé plusieurs dizaines de millions d’euros en études préalables et avait un contrat de concession en béton. Il faudra donc l’indemniser, soit avec un gros chèque, ou alors via une compensation. De là à penser qu’il pourrait s’agir d’Aéroports de Paris, les opposants à la privatisation ont allègrement franchi le pas.

Sans compter que Vinci est aussi un bâtisseur et un promoteur immobilier. Lorsqu’il faudra construire le futur terminal 4 de Roissy ou de nouveaux immeubles de bureaux, Vinci aéroports ne sera-t-il pas tenté de privilégier Vinci bâtisseur, au détriment d’autres entreprises ? Face à ces multiples interrogations, la réaction du groupe a sans doute renforcé le sentiment de défiance à son égard. Après un long silence, son PDG, Xavier Huillard, s’est fendu d’une tribune dans le Monde. Il y dénonce le «Vinci bashing […] qui ne sert nullement les intérêts de la France», mais ne répond pas au questionnement des élus locaux ou des compagnies aériennes.

Comment l’exécutif peut-il atterrir ?

Sur le plan politique, le lancement du RIP ne compromet pas, dans l’immédiat, le contenu ou le calendrier du texte, qui doit être adopté ce jeudi, assurent à Libération plusieurs sources gouvernementales. Mercredi, la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a cependant pris soin de renvoyer tout commentaire définitif à la décision des «sages», à qui il revient de valider la démarche des oppositions.

«C’est là que c’est compliqué, car le Conseil constitutionnel va examiner en parallèle la loi Pacte elle-même, explique une source proche du dossier. S’il valide l’initiative des opposants, pourra-t-il en même temps valider Pacte ? Et s’il valide Pacte, le gouvernement pourra-t-il enclencher la privatisation ? Car la menace d’une future annulation pourrait décourager d’éventuels acheteurs, ou faire pression à la baisse sur le prix de l’opération.»

Sur le plan strictement industriel, l’alternative existe. L’idée a germé dans l’esprit du président du département des Hauts-de-Seine et de son homologue des Yvelines. Sans pouvoir mettre 10 milliards d’euros sur la table comme Vinci, ils se sentent concernés au premier chef par le devenir des aéroports de Roissy, d’Orly et du Bourget. Tout comme leurs collègues du Val-d’Oise, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Ils ont donc décidé de s’associer au fonds d’investissement français Ardian et de proposer de reprendre 30 % d’ADP. Leur offre a été accueillie plutôt fraîchement à Bercy. La vente en plusieurs tranches d’ADP rapporterait moins que la cession en un seul bloc. Sans compter que le candidat «naturel» Vinci pourrait ne pas être intéressé par une participation non majoritaire. La démarche a cependant rencontré plus d’échos à l’Elysée, car elle apparaît comme une solution permettant de juguler la crise sans renoncer au projet. Il ne reste plus qu’à convertir les grands argentiers de Bercy qui, jusqu’à présent, ont joué un remake de Touchez pas au grisbi.

Dominique Albertini , Franck Bouaziz

Sorgente: Aéroports de Paris : un référendum contre la privatisation ? – Libération

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