L’enseigne Décathlon a annoncé ce mardi après-midi sur RTL qu’elle renonçait «à l’heure qu’il est» à commercialiser un hijab de jogging dont le référencement sur son site internet a suscité la polémique pendant plusieurs jours. L’enseigne a indiqué suspendre ce projet suite aux «menaces dont ses coéquipiers [ont fait] l’objet», des menaces proférées directement en magasin, mais aussi par message et téléphone, indique Décathlon. Destiné aux femmes musulmanes désirant porter un foulard pendant leur sport, ce hijab leur laisse le visage à découvert. La controverse a pris son essor dimanche, quand la porte-parole du parti Les Républicains, Lydia Guirous, a accusé Décathlon de se «soumettre à l’islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte d’un hijab pour affirmer leur appartenance à la oumma [la communauté des musulmans, ndlr] et leur soumission aux hommes».
Décathlon se soumet également à #islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte d’un hijab pour affirmer leur appartenance à la oumma et leur soumission aux hommes#Décathlon renie donc les valeurs de notre civilisation sur l’autel du marché et du marketing communautaire pic.twitter.com/3AFRAXmPCt
— Lydia Guirous (@LydiaGuirous) 24 février 2019
Mardi matin, le Rassemblement national a condamné une «nouvelle intrusion du communautarisme islamique dans l’espace public» dans un communiqué de presse, tandis qu’Agnès Buzyn rebondissait à son tour sur RTL. La ministre de la Santé a affirmé qu’un tel produit n’était «pas interdit par la loi», tout en ajoutant : «C’est une vision de la femme que je ne partage pas. En tant que femme, c’est comme ça que je le vis. Tout ce qui peut amener à une différenciation me gêne. J’aurais préféré qu’une marque française ne promeuve pas le voile.» La polémique s’est répandue jusqu’au salon de l’agriculture, où BFM TV a interrogé le président du MoDem François Bayrou et le président du Sénat Gérard Larcher sur la commercialisation du produit. Ce dernier a répondu que «Faire de l’argent de tout [n’était] sans doute pas dans [son] éthique».
A contre-courant de cette vague d’indignation, la militante féministe Valérie Rey-Robert dénonce «ces gens incapables de considérer que le foulard porté, par exemple, en France n’est pas celui imposé en Iran».
Ces gens incapables de considérer que le foulard porté par exemple en France n’est pas celui imposé en Iran. Ces gens qui cornent que les musulmanes devraient s’émanciper (sous entendu elles ne le sont pas) mais à LEURS conditions.
— Valerie Rey-Robert (@valerieCG) 26 février 2019
D’un point de vue strictement légal, l’Observatoire de la laïcité, rattaché à Matignon, a rappelé par la voix de son rapporteur qu’une entreprise privée comme Décathlon est libre de vendre ce qu’elle veut, sans que l’Etat laïque ait à s’en mêler.
1. Une entreprise privée vend ce qu’elle veut
2. L’État laïque n’a pas à juger d’1 pratique dès lors qu’elle ne s’oppose pas à la loi commune
3. Dans 1 État de droit on n’interdit pas ce qu’on peut perso ne pas apprécier
4. Au consommateur de choisir sans rien imposer à autrui pic.twitter.com/XCe7cDSmWk— Nicolas Cadène (@ncadene) 26 février 2019
Changement de position
Dans un premier temps, Décathlon avait pourtant défendu la commercialisation de ce hijab. «Nous assumons complètement le choix de rendre le sport accessible pour toutes les femmes dans le monde. C’est presque un engagement sociétal, si cela permet à des coureuses de pratiquer la course à pied, nous l’assumons avec sérénité», avait d’abord indiqué à l’AFP Xavier Rivoire, responsable de la communication externe de Décathlon United. Il ajoutait que le produit, qui n’était pas encore en vente, serait disponible en France et partout dans le monde dans les magasins Décathlon qui en feraient la demande. C’est le même Xavier Rivoire qui a finalement expliqué sur RTL : «Nous prenons effectivement décision, en toute responsabilité, en ce mardi soir de ne pas commercialiser à l’heure qu’il est ce produit en France.»
Angélique Thibault, responsable du jogging chez Kalenji (une marque du groupe Décathlon), avait également justifié la commercialisation de ce produit co-créé avec les équipes de Décathlon Maroc, se disant «mue par la volonté que chaque femme puisse courir dans chaque quartier, dans chaque ville, dans chaque pays, indépendamment de son niveau sportif, de son état de forme, de sa morphologie, de son budget. Et indépendamment de sa culture».
Décathlon n’est pas le premier équipementier à proposer un hijab de sport. La marque Nike commercialise déjà un «Hijab pour femme», en noir, gris ou blanc, au prix de 30 euros.