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10 October 2024
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Au Leroy Merlin du quai d’Ivry, dans lequel un délégué CGT, P.O., a fait une tentative de suicide mi-septembre après, selon ce chef de secteur, des pressions de la direction dues à ses activités syndicales.

La tentative de suicide d’un délégué CGT dans le magasin d’Ivry-sur-Seine mi-septembre met en lumière les pratiques en cours dans l’entreprise, entre intimidation pour fausser les élections ou l’utilisation de la CFTC contre les autres syndicats. La direction parle de cas isolés.

Lorsqu’il est embauché au Leroy Merlin du quai d’Ivry en août 2018, P.O. pense avoir franchi un cap dans sa jeune carrière. A 32 ans, après un BTS gestion des unités commerciales, il rejoint le magasin de bricolage aux portes de la capitale en tant que chef de secteur pour prendre la tête d’une équipe d’une trentaine de personnes et devient membre du comité de direction. Une réussite pour ce jeune homme issu d’une famille de classe moyenne d’Ile-de-France. «Ça représentait quelque chose, c’est là que j’allais faire mes courses avec mes parents quand j’étais petit», explique-t-il aujourd’hui.

Avec ses 16 000 m2, le Leroy Merlin du quai d’Ivry est l’un des plus grands magasins de l’enseigne appartenant au puissant groupe familial Mulliez (Auchan, Boulanger, Decathlon, Kiabi, Midas, Norauto…). Et dans ses allées, l’ambiance est bonne, même s’il doit constamment jongler entre les deux rayons dont il a la charge.

Mais en mars, juste avant les élections professionnelles au sein de l’établissement, P.O. assiste au comité de direction et observe des agissements étranges de la part des responsables du magasin. «Sur le groupe WhatsApp que l’on a, je commençais à recevoir des messages de membres du comité de direction à l’approche des élections qui me demandaient de faire passer le message à nos équipes de ne pas aller voter pour le premier tour. Leur objectif, c’était que le quorum [le nombre minimal de votants qui permet la tenue d’une élection, ndlr] ne soit pas atteint pour que ce soit seulement le vote du second tour qui compte», explique le cadre. Au premier tour, seules les listes des organisations syndicales peuvent se présenter. Mais si le nombre minimal de votants n’est pas atteint, le second tour est ouvert aux listes sans étiquettes. «Le but de la manœuvre, c’était évidemment de placer une liste proche de la direction», poursuit P.O.

Sur les captures d’écran des messages adressés aux membres du comité de direction du magasin, que Libération a pu consulter, on peut notamment lire d’étranges consignes envoyées par certains d’entre eux juste avant l’élection : «Si quelqu’un de FO vient vous voir, vous ne signez strictement rien» ou encore «Pouvez-vous dire à vos RR [responsables de rayons, ndlr] de ne pas aller voir les collaborateurs qui sont sur la liste FO du magasin svp ?» Au moment du vote, ces pressions portent leurs fruits, puisque le quorum n’est pas atteint. Ce dont se réjouit la responsable RH du magasin, toujours par message : «Le quorum n’est pas atteint donc personne n’est élu !!!!» poste-t-elle, accompagné d’un smiley qui tire la langue.

Lorsqu’il assiste à ces agissements, P.O. fait part de sa désapprobation à son directeur de magasin, Sébastien Saint-Martin. Car avant de travailler à Leroy Merlin, le jeune homme était syndiqué à la CFE-CGC dans son ancienne entreprise, ce qu’il s’était abstenu de préciser, de peur de ne pas être embauché. «Je lui ai dit : “Je ne veux pas participer à ce genre de choses.” Lui a pris ça pour : “Il ne veut pas être complice de ça”», estime-t-il aujourd’hui. S’en seraient suivies, selon lui, des pressions morales à son égard : «Pour me pousser à l’abandon de poste, la direction s’est mise à lancer des rumeurs. Quand je suis parti en vacances, on a été raconter dans mon dos que j’étais parti sans prévenir. On a demandé à mes équipes si j’étais assez présent à leurs côtés, car ils savaient bien qu’ayant deux rayons, je ne pouvais pas être partout. Ils les montaient contre moi.»

«Mail de détresse»

Des agissements dont a été témoin et également victime un autre délégué syndical d’une autre étiquette dans le même magasin. «Ils ont procédé au même harcèlement avec moi il y a quelques années. On m’avait changé à l’époque de rayon, sans raison. Ce sont des pratiques courantes malheureusement», explique-t-il. Pour se défendre, bien que faisant partie de l’encadrement, P.O. décide de prendre sa carte à la CGT et devient délégué syndical non élu de son organisation. Une décision reçue par la direction du magasin comme une provocation. «C’est le premier cadre à prendre un mandat à la CGT, ça n’a pas été bien perçu au sein de la direction», estime Romain Coussin, délégué syndical central à la confédération. «On a essayé de m’en dissuader, me demandant si je réalisais ce que j’étais en train de faire pour ma carrière», explique de son côté le trentenaire.

Après cette nomination, la situation devient de plus en plus tendue des deux côtés, au point qu’elle provoque à P.O. de violentes crises d’angoisse. Il tente alors d’alerter les membres de la direction, ainsi que les délégués syndicaux. «On a reçu un mail de détresse dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 septembre adressé à toute la direction et aux organisations syndicales. On pouvait vraiment y lire de la détresse», se souvient Bilel Hervi, délégué syndical central de la CFDT. Au matin du samedi, alors qu’il est sur le point d’embaucher, le syndicaliste se saisit d’une feuille en salle de réunion sur lequel il s’empresse de griffonner quelques mots au stylo. Le message est sans équivoque : «Il est 9 h 25 et je suis au 5e étage du magasin. Je m’apprête à écrire une lettre d’adieu avant mon suicide sur mon lieu de travail.» Il poursuit : «Il ne me reste qu’une seule option pour marquer les esprits, avoir subi le fait de me déshonorer. […] Je ne me considère pas comme un martyr, mais si mon suicide peut éveiller les consciences pour que ce que j’ai vécu ne se re produise plus jamais, alors je serai soulagé.» Il se place sur le rebord de la terrasse du 5e étage, à une trentaine de mètres du sol, et appelle une dernière fois son homologue d’un autre syndicat au sein du magasin afin de le prévenir de son acte. «Il a essayé de me contacter plusieurs fois, quand je l’ai eu au téléphone il était en pleurs», se souvient l’intéressé. In extremis, ce dernier parvient à le garder en ligne et à prévenir les pompiers qui interviennent rapidement pour éviter le drame.

Un peu plus de dix jours ont passé depuis la tentative de suicide de P.O. et la situation a ému les délégués syndicaux de toutes étiquettes, alertés sur le sujet. D’autant que, selon eux, la direction aurait simplement indiqué aux salariés du magasin que P.O. avait été victime d’un «malaise vagal». Pire, ils ont reçu un mail émanant de la directrice du développement social au siège de l’enseigne, que nous avons pu consulter, tentant de maquiller la situation. «C’est parce que le comportement de P.O. traduisait une fatigue importante que les représentants de la direction du magasin ont décidé à titre de prévention pour sa propre santé et celle des tiers de le faire raccompagner chez lui. Il n’est donc à notre connaissance nullement question de tentative de suicide sur le lieu de travail», écrit-elle.

Le rapport de la brigade d’intervention des pompiers de Paris, que nous nous sommes procurés, fait pourtant clairement état d’une «tentative de suicide» à Leroy Merlin ce jour-là. Interrogée, la direction nationale de l’enseigne refuse mordicus de valider le fait que le jeune cadre a tenté de mettre fin à ses jours. «Je ne confirme pas qu’il y a eu une tentative de suicide, je vais m’en tenir aux faits. P.O. était enfermé dans son local syndical, il a appelé un autre délégué syndical en disant qu’il n’allait pas bien. Les pompiers ont été appelés. Ce qu’on nous a rapporté, c’est qu’il a dit : “Je me sens très fatigué.” Il avait signalé une situation de discrimination et de harcèlement. Quand on reçoit ce genre de signalement, on agit, il y a eu commission paritaire déclarée à l’inspection du travail, elle rend ses conclusions vendredi», explique Marc Renaud, membre du comité RH au siège. Le directeur du magasin de quai d’Ivry, Sébastien Saint-Martin, a lui aussi refusé de nous confirmer que cet événement avait bien eu lieu au sein de son établissement. Il nous a proposé dans un premier temps un entretien pour échanger à ce sujet, qui ne nous a finalement pas été accordé.

«Pas de faits systémiques»

Dans les magasins du groupe, la rumeur de la tentative de suicide de P.O. est en tout cas parvenue aux oreilles des salariés. Et a délié les langues d’autres délégués syndicaux, qui se sont dits victimes d’agissements similaires. Pour eux, le cas de P.O. ne se limite pas au quai d’Ivry, mais serait lié à la culture de l’entreprise. «C’est même plus que culturel, c’est carrément dogmatique, ça a toujours été comme ça à Leroy Merlin, constate Bernard Vigourous, délégué syndical central de FO au sein de l’enseigne. Chez les Mulliez, les actionnaires, on dit souvent “le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit”.» «On est une boîte de 25 000 collaborateurs, 142 magasins, il se passe des choses. Il n’y a pas de faits systémiques. Le climat social est bon», réfute de son côté Marc Renaud, à la direction de l’enseigne.

Ceux qui témoignent pointent pourtant du doigt les mêmes éléments que le jeune cadre : la volonté délibérée de la direction d’influencer les élections syndicales au sein des magasins. Marjorie Froger, déléguée syndicale FO à Melun, explique par exemple : «Lorsque les salariés allaient chercher la documentation pour voter, les ressources humaines leur disaient que s’ils votaient au premier tour, ils ne pourraient pas le faire au second. Ce qui est faux. Résultat, on n’a pas atteint le quorum au premier tour.» Un autre syndicaliste CGT, dans le nord de la France : «Le directeur de magasin est allé voir les salariés en essayant de les influencer pour qu’ils ne votent pas. Il disait : “Attention, si vous votez là, vous ne votez pas pour une déléguée syndicale mais pour la CGT.”» A Compiègne, «on m’a mis la pression. Le directeur a monté une liste de non-syndiqués en face de moi», regrette Stéphane N., délégué CGT. Un ancien cadre non syndiqué qui a quitté l’entreprise raconte également : «Je confirme que tout au long de ma carrière de cadre, j’ai eu pour consigne, de la part de mes directeurs, d’effectuer un travail de communication auprès des équipes afin de les dissuader de voter, par exemple au premier tour d’une élection de représentants du personnel…»

Selon les témoignages que nous avons pu recueillir, ces agissements auraient été particulièrement fréquents à l’approche du vote pour le CSE (Comité social et économique, anciennement comité d’entreprise et CHSCT) en mars. Dans ce contexte, la direction du siège aurait poussé en interne pour deux cas de figure «acceptables» : l’élection d’une liste sans étiquette, ou bien, à défaut, d’une liste CFTC. Le syndicat chrétien, réputé réformiste, serait également au cœur du système mis en place par Leroy Merlin, car selon d’anciens adhérents de l’organisation, il accepterait volontiers de coopérer. «La CFTC est du côté de la direction. Ils signent ce qu’ils leur proposent», admet un ancien délégué du syndicat en poste dans le sud de la France, qui a accepté de témoigner. «Quand j’étais à la CFTC, j’ai souhaité évoquer le CICE [crédit d’impôt pour les entreprises, ndlr], et à ce moment-là, le syndicat m’est tombé dessus. Le message était clair : on ne pose pas ce type de question dans l’entreprise. Mais quand vous êtes un délégué syndical et que vous constatez que des accords sont signés et modifient fortement les conditions de travail, vous vous posez des questions», explique-t-il.

Autre ancien délégué CFTC en banlieue parisienne, Frédéric (1) a observé les mêmes agissements. «Le délégué syndical central de la CFTC m’a donné l’ordre de ne pas faire certaines choses. Par exemple, un audit comptable avait été voté dans le magasin et il m’a été demandé de l’abandonner», assure-t-il. Du côté du syndicat, l’actuel délégué central récemment nommé, Didier Augé, nie les faits : «C’est une accusation plutôt grave. Dire qu’il y a eu collusion, je ne l’affirme pas. Qu’il y ait des directeurs de magasin qui soient antisyndicats, oui, mais des directeurs qui soient antisyndicats sauf la CFTC, je ne crois pas.» Jean-Marc Cituto, ancien délégué syndical central de l’organisation ajoute (2) : «J’ai été délégué syndical central de la CFTC pendant 15 ans, quand j’arrive en réunion, c’est avec des propositions, pas les mains dans les poches comme d’autres syndicats le font. La CFTC signe des accords quand ça apporte du plus aux salariés. Dire la CFTC signe tous les accords, c’est faux»

«Promotion» pour «services rendus»

Marc Renaud, membre du comité RH au siège, reconnaît de son côté «avoir eu vent» de signalements lors de la précédente élection professionnelle. «Mais lors de cette élection, il n’y a eu qu’une action en justice, qui a été déboutée», appuie-t-il. Plus grave encore, Frédéric, l’ancien délégué CFTC, accuse la direction d’avoir voulu «acheter» par le passé un ou plusieurs syndicalistes responsables de l’organisation majoritaire au sein de l’enseigne en leur promettant «des évolutions de poste» en contrepartie de petits arrangements. «Le but de la direction est de pouvoir faire passer des accords d’entreprise. Une fois qu’ils sont passés, les délégués syndicaux ont une évolution de carrière», précise-t-il. Le syndicat Force ouvrière a ouvertement dénoncé ces agissements en portant plainte le 12 décembre 2018. Dans cette plainte adressée au procureur de la République et que nous avons pu consulter, l’organisation écrit : «La direction de la société Leroy Merlin France semble pratiquer de manière constante et régulière une discrimination syndicale en favorisant le syndicat CFTC au détriment des autres syndicats.» Elle a été déposée après que des délégués ont découvert les échanges de mails entre le délégué central du syndicat CFTC, Jean-Marc Cicuto, et la directrice des relations sociales, Claire Beauvais.

Dans l’un des messages, daté du 28 mai 2017, la directrice écrit au syndicaliste au sujet d’un accord d’entreprise : «Voilà l’accord en construction avant sa diffusion, merci de ta diffusion en cercle restreinte (sic) par souci d’équité». Ce à quoi l’intéressé répond : «Attention, nous sommes les seuls à avoir l’accord, donc pas de communication externe, cela reste entre nous.» «Ces éléments prouvent que l’entreprise, dans le cadre de la négociation a donné les éléments en avance à la CFTC. Ce qui permettait à leur syndicat de préparer son coup afin de valider», explique Bernard Vigourous de Force ouvrière. Aujourd’hui le délégué syndical central mis en cause a quitté son poste car il vient d’être nommé… chargé de mission au Vietnam pour le compte d’Adeo, filiale du groupe Mulliez, auquel appartient Leroy Merlin. «Une promotion» pour «services rendus» qui témoignerait de ces tractations officieuses, fustige-t-on au sein des autres organisations. Dans sa lettre de départ, que nous avons pu consulter, il écrit : «J’ai pour ce pays une affection particulière. J’avais déjà postulé il y a quelques années.» Jean-Marc Cituto (2), lui, réfute ces accusations : «Quand on parle de collusion, ça me fait doucement rigoler. On était les seuls à avoir fait des propositions et j’ai dit à la direction que j’en avais des nouvelles à faire. Le projet, on nous l’a transmis avant pour qu’on fasse des propositions. Les autres ne proposent rien, c’est ça qui leur pose problème». Il poursuit : «Ma nomination au Vietnam, c’est un grand fantasme. J’ai été passé à la moulinette par quatre DRH, six mois pour être recruté. Mon père est enterré là bas, je connais très bien le pays. Quand il y a eu un projet qui s’est ouvert au Vietnam la première fois, je n’ai pas été pris. Puis j’ai repostulé. Aujourd’hui tous les jours j’ai les pieds dans la gadoue pour trouver des professionnels qui travailleront avec nous, donc ce n’est pas du tout de la collusion». Didier Augé, son remplaçant, le défend également : «Il ne s’est pas offert une place au soleil, il a grandi là-bas. Si c’est une promotion, ce n’est pas cher payé.» Pour l’heure, la plainte de FO n’a pas eu de suite, mais le syndicat se réserve le droit de faire un recours. La direction de Leroy Merlin assure de son côté n’avoir reçu «aucune notification, ni convocation».

Ivry sur Seine, le 24 septembre 2019. Reportage devant le Leroy Merlin d'Ivry sur Seine, ou un salarié s'est récemment sucidé.Au Leroy Merlin d’Ivry, de Compiègne, de Marseille… de nombreux délégués syndicaux se plaignent de discriminations. Photo Martin Colombet

Contactés, les trois syndicats, FO, CFDT et CGT, reconnaissent en tout cas avoir été témoins de tout cet arsenal de pratiques borderline pour marginaliser les syndicalistes trop regardants chez Leroy Merlin. «Je vous mentirais si je vous disais que ça n’arrive pas», concède un délégué CFDT un peu gêné, pourtant réputé plutôt proche de la direction. Dans certains cas, ces manœuvres électorales se seraient accompagnées de pressions récurrentes, toujours verbales, auprès des délégués syndicaux dans les magasins. «A chaque fois que je posais une question dérangeante, le directeur du magasin m’adressait une convocation avec les personnes dont le comportement posait problème dans l’entreprise. On trouvait que j’étais un peu trop dérangeante», explique Estelle J., déléguée CGT dans un magasin de Marseille. «Quand il a su que je me syndiquais, mon directeur de magasin m’a dit : “Entre la peste et le choléra, t’as pris ce qu’il y a de pire”. Il m’a aussi dit que si je changeais de métier, j’allais garder l’étiquette CGT», décrit Bouchra Rharmaoui à Dunkerque.

Dans d’autres, les conflits opposant la direction des magasins et les syndicalistes auraient abouti à des situations plus sérieuses, comme dans le cas de P.O. à Ivry. Marc (1), délégué syndical du nord de la France, a même été blessé en juin au cours d’une altercation avec son directeur de magasin. «J’étais en réunion avec le directeur, il nous a interrompus. Il a décidé de clore la discussion en fermant la porte. J’avais mon pied sur le passage, il s’est acharné et a fermé la porte sur mon pied», explique-t-il. Résultat, cinq jours d’ITT. Marc a déposé une main courante, qui n’a pour le moment pas eu de suite. Egalement dans le nord de la France, Lionel L., délégué CGT, dit avoir carrément subi des menaces de mort de la part de son directeur, il y a huit ans. «Il m’a répété quatre fois de suite pendant une semaine que je pouvais avoir un accident de moto un jour, et que la personne prendrait la fuite, qu’on ne la retrouverait jamais», se souvient-il. Peu après cet événement, le responsable a été muté dans un autre magasin…

«Peur des représailles»

Au total, Libération a pu recueillir plusieurs témoignages de salariés dans au moins dix magasins partout en France, pointant des agissements similaires, qualifiés de «répression syndicale» par les organisations. Parmi toutes les plaintes déposées, une seule a abouti, en décembre. Hervé (1), délégué FO dans le sud de la France, n’avait pas été augmenté de toute sa carrière. Le conseil des prud’hommes a condamné Leroy Merlin à verser 1 000 euros de dommages et intérêts en raison d’un «préjudice moral en lien avec une discrimination syndicale». Il a fait appel, estimant les dédommagements ridicules par rapport au préjudice subi. Ce que nous a confirmé la direction de l’enseigne.

P.O., de son côté, est aujourd’hui suivi médicalement et n’a pas encore repris le chemin du travail. Publié la semaine dernière, le rapport sur la discrimination syndicale du Défenseur des droits, Jacques Toubon, notait que pour un tiers de la population active interrogée, «la peur des représailles de la part de la direction est le facteur qui dissuade le plus les salariés de s’engager dans une activité syndicale». Il invitait les syndicats à se saisir de la question. P.O., de son côté, espère que son «histoire changera les choses».

(1) Les prénoms ont été modifiés. (2) Jean-Marc Cituto nous a contacté après la publication de l’article pour y ajouter une réponse.

Gurvan Kristanadjaja Photo Martin Colombet


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