0 7 minuti 5 anni

Si les nationalistes ne seront pas dominateurs au Parlement européen, leurs thèmes de prédilection ne cessent de gagner du terrain, notamment en France où la droite classique est vampirisée par LREM ou radicalisée. Et si la gauche faisait bloc à nouveau ?

Par Jonathan Bouchet-Petersen

La poussée nationaliste a été contenue. Circulez il n’y a rien à voir, les urnes ont tranché et les Européens sont plus proeuropéens qu’on l’attendait. Ouf de soulagement. Mais derrière cette description, qui n’est pas factuellement fausse et qu’il n’est pas illégitime de savourer, se cache un risque notable de faire l’autruche. De penser que les raisons qui ont conduit Marine Le Pen au deuxième tour de la dernière présidentielle et nombre de nationalistes à la tête de leur pays – d’Orbán en Hongrie à Salvini en Italie – ne sont pas intactes.

Cette tentation du déni rappelle celui de ceux qui ont vu dans la victoire des Bleus en 1998 l’avènement d’une France s’acceptant enfin pour ce qu’elle est: black-blanc-beur. Le mirage a vécu. Et on rappellera simplement que dans un contexte de surmobilisation, qui n’est plus défavorable à l’extrême droite depuis maintenant quelques années, la liste lepéniste conduite par Bardella a réuni dimanche près de 5,3 millions de voix, soit 570 000 de plus qu’en 2014. De même qu’en 2017 à la présidentielle, elle en avait rassemblé plus qu’en 2012. Autrement dit le RN «fait» plus de voix sous Macron que le FN sous Hollande – sans d’ailleurs que l’un soit moins coupable que l’autre ou qu’ils soient les seuls à blâmer.

Ce constat n’a rien de rassurant même si le pouvoir a bétonné par la droite un noyau électoral qui, parce que les oppositions restent en lambeaux, lui permettrait en l’état d’accéder de nouveau au second tour face à Marine Le Pen (si c’est bien elle). Et donc de rempiler pour cinq ans. Mais sur un champ de ruines où après la gauche socialiste en 2017, c’est la droite dite «modérée» qui a pris de plein fouet le vote macroniste aux européennes, laissant LR exsangue et Laurent Wauquiez carbonisé. Dans ce contexte, la polarisation de la vie politique entre LREM et l’extrême droite a toutes chances d’être une donnée durable. A moins que la gauche sociale-écologique, qui n’a pas manqué de représentants au scrutin de dimanche, retrouve les chemins de l’union, condition nécessaire mais même pas forcément suffisante de lendemains qui chantent à nouveau. Sur le fond, les convergences ne manquent pas et dans les urnes, mise bout à bout, la gauche éclatée a pesé plus de 30% dimanche.

Le fond de l’air est nauséabond

La gauche a d’autant plus un rôle à jouer qu’en l’état, on ne voit pas bien ce que Macron a entrepris depuis deux ans et qui puisse contribuer à tarir le vote RN. N’est-ce pas pourtant ce même président qui a la lucidité d’affirmer, à gros traits et toutes choses égales par ailleurs, qu’Obama a conduit à Trump et Renzi à Salvini. Si les intentions de votes pour la présidentielle de 2022 ne valent rien ou pas grand-chose à trois ans du vote – Macron est bien placé pour le savoir –, comment nier que le fond de l’air reste nauséabond. Et que dans la bataille des idées et des valeurs dominantes, l’extrême droite a marqué plus de points ces dernières années que la sociale-démocratie, pas au rendez-vous de ses promesses redistributives et, en Europe, que la droite libérale et son cortège d’inégalités. Comment nier que de nos jours, il reste par exemple plus porteur dans l’opinion (à ne pas confondre avec l’électorat) de taper sur les migrants que de réfléchir, si possible à l’échelle européenne, aux conditions de leur accueil réel. Ou que le prisme identitaire a pris le pas, dans bien des médias et dans le discours de bien des «intellectuels» médiatiques (à l’influence certes questionnable), sur la question sociale. Laquelle ne semble pouvoir trouver un salut qu’en se dépassant avec comme boussole l’urgence écologique.

Droite extrémisée

Enfin, si la droite classique, désormais, ce n’est plus Wauquiez et son tropisme buissonnien mais Macron, comme les résultats des européennes semblent l’acter, que feront la prochaine fois les 8% d’électeurs qui ont quand même choisi la liste Bellamy dimanche ? On se souvient combien Marion Maréchal-Le Pen avait salué, non sans arrière-pensées, son choix comme tête de liste par le parti de la droite, soulignant les convergences idéologiques entre ce LR et son RN, bien plus catho-identitaire que celui de sa tante. Tout l’enjeu est de savoir si cette droite extrémisée, désormais sans débouchés victorieux dans son camp et qui n’a rien à faire chez Macron, viendra grossir l’écuelle électorale de la famille Le Pen. Dans ce contexte d’urgences plurielles, il appartient à la gauche ne pas regarder ses pieds et de faire bloc, ensemble. Avec un programme commun du XXIe siècle?

Sorgente: L’urgence de l’union à gauche contre les idées de l’extrême droite – Libération

Please follow and like us:
0
fb-share-icon0
Tweet 20
Pin Share20