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Les locaux de l’un des derniers symboles de la presse libre égyptienne ont été perquisitionnés et la vingtaine de journalistes détenus sur place dimanche. Figuraient également les correspondants de France 24.

Il était 13h15 dimanche quand les forces de sécurité ont perquisitionné les locaux de Mada Masr, l’un des derniers symboles de la presse libre en Egypte. Une douzaine de policiers en civil armés ont ordonné à chacun de laisser immédiatement téléphone, ordinateur, effets personnels et pièce d’identité bien en vue, avant de fermer la rédaction, condamnant la vingtaine de journalistes égyptiens ainsi que quatre journalistes étrangers, dont les correspondants de France 24, à de longues heures de détention sur place. Et de silence.

«Ils ne nous ont pas dit qui ils étaient, qui les envoyait, ni ce qu’ils avaient contre nous», a révélé Lina Attallah, fondatrice et rédactrice en chef du quotidien en ligne. «Ils ont fouillé les ordinateurs, les téléphones, ont pris et photographié des documents. Ils ont tout passé au peigne fin», a témoigné de son côté l’un des journalistes de France 24, avant d’ajouter : «A nous, les journalistes étrangers, ils ont pris cartes de presse et téléphones pour vérifier qui nous étions, tout en nous demandant avec suspicion pourquoi nous étions ici.»

Prévenus in extremis, deux diplomates français se sont rapidement rendus sur place, mais ont été tenus à l’écart du raid par les policiers. «Ils sont restés à l’extérieur, devant la porte. Mais leur présence a été salutaire, les agents étaient très ennuyés de les savoir là. Impossible pour eux alors de continuer leur perquisition à l’abri de tout regard», a encore expliqué le journaliste français.

Une affaire impliquant un fils d’Al-Sissi

L’article de Mada Masr qui semble avoir mis le feu aux poudres concerne l’un des fils du président Abdel Fattah al-Sissi, officier des renseignements généraux, envoyé discrètement à l’ambassade égyptienne de Moscou après une controverse interne à l’armée. Des révélations qui ont entraîné une première arrestation musclée d’un des rédacteurs en chef, samedi aux aurores à son domicile, devant sa femme et son petit garçon. Interrogé dans un lieu secret, il a finalement été relâché dimanche soir sur l’un des boulevards circulaires de la capitale, au milieu de nulle part.

Fondé en 2013, Mada Masr publie des enquêtes très fouillées en arabe et en anglais, notamment sur des histoires de corruption, endémique dans le pays, comme sur la mainmise absolue de l’armée sur l’économie ou encore les opérations militaires contre l’organisation Etat islamique dans la région du nord-Sinai qui font régulièrement des victimes civiles.

Le quotidien en ligne est une citadelle de la liberté d’expression si chèrement acquise durant la révolution de 2011 et si malmenée depuis par le gouvernement. Selon Reporters sans frontières, dont le site comme celui de Mada Masr et plusieurs centaines d’autres est interdit en Egypte, le pays est le troisième au monde pour le nombre de ses journalistes emprisonnés, après la Chine et la Turquie.

Un jeune manifestant attaché à un radiateur

L’organisation internationale Human Rights Watch révèle de son côté que plus de 60 000 activistes sont actuellement détenus dans les geôles du pays, le plus souvent dans des conditions épouvantables. Un jeune Egyptien raflé dans la rue fin septembre après des manifestations contre le gouvernement qui ont déstabilisé le pouvoir racontait récemment avoir été attaché plusieurs jours à un radiateur, battu, dénudé, humilié, avant d’être déplacé vers une pièce minuscule dans laquelle se trouvaient enfermés des dizaines de jeunes gens comme lui, sans pouvoir à peine bouger. Il en est sorti traumatisé, après quinze jours, et ne sait toujours pas pourquoi il a été arrêté.

Lina Attallah et deux de ses collègues ont été emmenés au commissariat en début de soirée dimanche avant d’être libérés. Leur récit, glaçant, indique qu’ils ont dû son salut à une intervention extérieure : «Ils nous ont gardés dans un couloir avant de nous faire monter dans un fourgon cellulaire menottés les uns aux autres. Personne ne nous a dit où nous allions, mais il nous a semblé être en chemin vers la sécurité nationale, certainement pour y être interrogés. Puis soudain, ils ont fait demi-tour et nous sommes revenus au commissariat. Ils nous ont détachés et nous ont conduits dans le bureau de l’officier supérieur qui avait mené la perquisition dans nos locaux. Il nous a dit que, grâce à des pressions extérieures, nous étions libres.»

Il faut dire que devant les locaux de Mada Masr, de nombreuses personnes s’étaient regroupées pour pouvoir témoigner et tenter d’éviter de nouvelles disparitions forcées, dont l’Etat est coutumier. En plus des diplomates français, un diplomate américain était aussi présent. Les chancelleries occidentales semblent s’être mobilisées pour défendre le dernier symbole de la presse indépendante dans le pays. Lina Attallah, quant à elle, a indiqué avec simplicité et courage : «Nous allons reprendre notre travail.»

Philippe Chalague Correspondance au Caire

Sorgente: Egypte : les journalistes de «Mada Masr» intimidés par la police – Libération


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