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29 March 2024
0 15 minuti 5 anni

En 2018, 91 femmes et 111 enfants ont fait ­escale dans le centre des Hauts-de-Seine.

Le Grenelle des violences conjugales s’ouvre ce mardi. Les associations, qui pointent une situation d’urgence, soulignent le manque de financements.

Elle avait 21 ans. Son cadavre a été découvert samedi en début d’après-midi à proximité de la gare de Cagnes-sur-Mer ­(Alpes-Maritimes), dissimulé sous des détritus, des branchages et une couette. Le lendemain, un homme a été mis en garde à vue, il s’agirait de son compagnon avec lequel elle aurait eu une violente dispute, signalée à la police par le voisinage. Mais à l’arrivée d’une patrouille, la jeune femme avait disparu… La police des polices a été saisie lundi pour déterminer les «conditions d’intervention des [agents]», a-t-on appris auprès de la police nationale. Selon le parquet, malgré l’alerte des riverains, la patrouille dépêchée sur place «n’avait trouvé aucun élément relatif» à l’agression.

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Quelques jours plus tôt, le 28 août, #NousToutes avait déjà dit la même chose, sur le parvis de l’hôtel de ville à Paris, où un rassemblement avait été organisé en mémoire des femmes tuées par leur conjoint ou leur ex. Parmi les participants, il y avait Lucien Douib. Le 3 mars, sa fille Julie, 34 ans, mère de deux enfants, a été tuée à L’Ile-Rousse, en Corse. Séparée depuis quelques mois, Julie avait à plusieurs reprises déposé plainte contre son ancien compagnon, pour des violences et des menaces de mort. «Si on l’avait protégée, si on l’avait écoutée, je pense qu’elle serait encore là», a dit Lucien Douib au micro. Pour lui, comme pour de nombreuses familles de victimes et associations qui leur viennent en aide, l’attente de «mesures rapides et concrètes» est grande et s’était déjà manifestée lors d’un précédent rassemblement, le 6 juillet dans la capitale.

En réponse, la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, lance un Grenelle des violences conjugales, qui débute ce mardi 3 septembre 2019, en écho au 3919, numéro national d’écoute destiné aux femmes victimes de violences. Objectif : réunir à Matignon différents ministères (Justice, Intérieur, Santé, Education…), responsables associatifs et proches de victimes. En parallèle, 91 réunions auront lieu un peu partout en France sous l’égide des préfets, pour tenter d’endiguer un fléau qui chaque année en France touche environ 220 000 femmes, et conduit à la mort de plus d’une centaine d’entre elles (121 en 2018). Ce grand raout durera jusqu’au 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

«État d’urgence»

Mais avant même qu’il ne débute, ce Grenelle a fait l’objet d’un certain scepticisme, voire de sérieuses critiques. Celles-ci visent notamment l’absence de transparence quant au choix des invités. «Nous recevrons les associations en contact avec les victimes et qui en ont fait la demande», se défend Marlène Schiappa, qui réfute tout «Grenelle des bons sentiments». Lors du rassemblement du 28 août dans la capitale, initié par l’actrice Eva Darlan, cette dernière avait fustigé : «Un Grenelle, c’est le meilleur moyen de ne rien faire», martelant que «nous sommes dans un état d’urgence». La députée LFI de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain a pour sa part dénoncé «une inflation de communication» destinée à «masquer la réalité, qui est une pénurie totale de moyens».

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Car c’est bien là que le bât blesse : de nombreux militants, à l’image des Femen ou du mouvement #NousToutes, dénoncent l’absence de budget consacré à ce que le président Macron a décrété «grande cause du quinquennat». Dans un rapport publié en novembre, intitulé «Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?», le Haut Conseil à l’égalité (HCE) pointait lui aussi du doigt un «budget restreint et insuffisant au regard des besoins identifiés». Selon les calculs de cette instance nationale consultative indépendante, l’Etat consacre actuellement 79 millions d’euros par an à la prise en charge des victimes de violences conjugales, alors qu’une prise en charge «de qualité» nécessiterait au minimum 506 millions, voire 1,1 milliard, selon l’hypothèse la plus haute. «On ne pourra parler d’un réel sursaut sans ajouter un centime», avertit Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, qui attend un «réel changement de paradigme», mais «veut faire le pari de donner sa chance à cet événement».

Bracelets électroniques

Marlène Schiappa assure que «toutes les nouvelles politiques publiques annoncées à l’issue du Grenelle seront financées», sans toutefois avancer un chiffrage précis… «En matière d’égalité femmes-hommes, dès que l’on donne un chiffre, ça n’est jamais assez… Pourquoi ne pas plutôt saluer les avancées ?» a-t-elle argué. Et de mettre en avant le recrutement de 73 psychologues qui officieront dans les commissariats, la hausse du budget destiné à subventionner les associations ou la création d’un fonds d’1 million d’euros contre les féminicides, pour financer «des associations locales de terrain». Marlène Schiappa promet d’autres mesures, axées autour de la «prévention, de la prise en charge des victimes et de la répression», rappelant qu’une proposition de loi devrait être étudiée à l’automne pour la mise en place de bracelets électroniques à destination des conjoints violents d’ici à 2020, «au mieux». Depuis le parvis de l’hôtel de ville de Paris, Eva Darlan a lancé : «Combien de mortes vous faudra-t-il encore ? Agissez vite, on meurt.»


Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d’Osez le Féminisme «Il faut mettre de l’argent sur la table»

«Un Grenelle, pourquoi pas, même s’il me semble que le mot est impropre et renvoie plutôt, historiquement, à de véritables espaces de négociations qui ont abouti à des avancées concrètes, sur l’environnement, ou encore les congés payés… Je ne suis pas certaine que les conditions dans lesquelles se tient ce Grenelle permettent d’avancer autant. Je crains qu’il s’agisse simplement d’écouter les informations martelées depuis des années par les associations. C’est très bien, mais il est temps de mener des actions. Nous militons pour l’inscription du terme «féminicide» dans le code pénal afin d’acter politiquement, juridiquement et dans la société, qu’il s’agit de crimes de haine machiste.

«Il faut mettre de l’argent sur la table. A titre d’exemple, l’Espagne, qui compte 46 millions d’habitants, a débloqué 1 milliard d’euros sur cinq ans spécifiquement dédiés aux violences faites aux femmes. Ces moyens financiers pourraient servir à ouvrir davantage de structures multidisciplinaires, dans lesquelles sont dispensés des soins physiques, psychologiques, de l’accompagnement juridique, notamment pour ce qui touche au recueil de preuves. La France en compte une petite poignée, notamment à Bordeaux ou à Tours. Mais là encore, si on jette un œil sur nos voisins, la Belgique, qui est un pays beaucoup plus petit et moins peuplé, compte neuf structures de ce type.

«Quand Marlène Schiappa fixe l’objectif de 100 % d’appels traités par le 3919, c’est très bien, mais je crois qu’il est temps de s’interroger sur la philosophie générale de nos politiques : souhaite-t-on déployer des structures étatiques ? Ou continuer de se reposer sur les associations ? Certes elles sont expertes depuis des années, mais encore faut-il leur en donner les moyens, et négocier des conventions budgétaires triennales avec elles, ne pas laisser de toutes petites structures courir chaque année après les financements. Je m’interroge sur le timing : le Grenelle va se tenir de septembre à novembre, mais les budgets de l’Etat seront déjà bouclés à Bercy…»

Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes «Ces femmes peuvent être en danger à tout moment»

«Il faut que les femmes soient mises au cœur de tous les dispositifs pour éviter des phénomènes de victimisation secondaires : être victime de violences et devoir déposer plusieurs plaintes ou se rendre plusieurs fois au commissariat pour que celles-ci soient prises en compte. Ces femmes peuvent être en danger à tout moment : il faut prendre en compte non seulement le danger imminent mais savoir aussi évaluer les risques tout au long de leur parcours. Pour cela, nous avons mis en place une grille d’évaluation qui prend en compte des critères relatifs à la victime, à l’auteur, ainsi qu’au contexte : y a-t-il une audience à venir ? S’agit-il d’une séparation ? Auquel cas, il faut garder en tête que 30 % des féminicides surviennent dans un contexte de séparation, ce qui montre bien que la fin de la relation ne signifie pas la fin des violences conjugales.

«Ensuite, il faut déployer davantage de référents spécialisés dans les commissariats et gendarmeries. Renforcer ces effectifs permettrait que les femmes soient reçues et orientées à chaque fois qu’elles se rendent au commissariat, mais aussi de faire en sorte que l’enquête soit plus poussée. On voit dans certaines affaires récentes de féminicide que des plaintes ont été déposées, mais qu’il n’a probablement pas été réalisé de synthèse des faits déjà dénoncés par la victime auparavant.

«Nous sommes également favorables à la mise en place de juridictions spécialisées, au niveau civil et pénal, comme cela se fait en Espagne, ce qui pourrait permettre de prononcer davantage d’ordonnances de protection, ou que les violences soient mieux prises en compte par les juges aux affaires familiales pour tout ce qui touche à l’exercice de l’autorité parentale. Il y a encore beaucoup trop de femmes harcelées, menacées, ou dont la sécurité est mise en jeu par leur conjoint ou leur ex autour de questions liées aux enfants. Il faut aussi pouvoir encadrer le droit de visite et d’hébergement et permettre aux femmes de dissimuler leur adresse lorsqu’elles sont mises à l’abri avec leurs enfants.»

Caroline De Haas, militante au sein du mouvement #NousToutes «Former les professionnels est essentiel»

«On pourrait dupliquer ce qui se fait avec la Sécurité routière, en organisant des stages obligatoires au collège, à l’issue desquels seraient délivrées des attestations de non-violence. En matière de Sécurité routière, l’impact a été considérable sur toute une génération : combien d’enfants désormais disent parfois à leurs parents de rouler moins vite ? Dans cette sensibilisation à la non-violence pourraient être enseignés le respect du corps, ou le fait de ne pas insulter ou dévaloriser en fonction du genre. En faisant cela, en quinze ou vingt ans, on aurait toute une génération qui considérerait différemment le corps des femmes. C’est une manière de susciter un changement de paradigme, comme cela a pu se faire par le passé avec des actions relatives à la Sécurité routière ou à des questions de santé publique telles que le tabac ou l’alcool.

«L’autre axe de travail essentiel à mon sens, c’est la formation des professionnels. On parle souvent des policiers et des gendarmes, mais il faut aussi penser aux travailleurs sociaux ou aux médecins. Cela fait des années que l’on évoque la possibilité de mettre en place un questionnement systématique des femmes, et cela ne se fait toujours pas. Idem dans les protections maternelles et infantiles, parce que l’on sait que la grossesse est une période à risque. Il faut vraiment que les violences faites aux femmes deviennent une priorité, et qu’elles soient portées politiquement. Si l’on veut un changement social radical, avec un réel impact, il faut une politique massive, et pas que ces thématiques soient traitées comme des sous-dossiers, avec un budget minime. Il y a urgence à agir en matière d’hébergement aussi. On entend encore trop d’histoires de femmes qui trouvent le courage de parler à des travailleurs sociaux, lesquels se démènent pour les aider mais doivent, faute de place, se résigner à les laisser rentrer chez elles.»

Virginie Ballet Photo Cyril Zannettacci

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