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Mardi, les dirigeants européens se sont mis d’accord sur un point : le prochain président de la Commission européenne ne sera pas le chouchou allemand d’Angela Merkel. En l’absence de solution, des négociations vont s’ouvrir d’ici l’été entre le président du Conseil et le Parlement européen.

Le successeur du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission ne sera pas l’Allemand Manfred Weber. Les présidents des groupes politiques du Parlement européen, qui se sont réunis mardi matin, n’ont pu que constater qu’il n’existait aucune majorité pour soutenir la tête de liste du PPE (conservateur) qui est arrivé en tête des élections européennes de la semaine dernière. La balle a donc été renvoyée dans le camp des chefs d’Etat et de gouvernement où le constat a été identique. La perle rare reste donc à trouver.

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Les Vingt-Huit avaient prévu de se retrouver dès mardi soir pour un dîner informel afin de tirer les leçons des Européennes. Le PPE aurait aimé réitérer le coup de 2014, lorsqu’en accord avec les socialistes et fort de sa première place, il avait imposé au Conseil européen la nomination de Jean-Claude Juncker, leur tête de liste d’alors («Spitzenkandidat» en allemand). Les chefs avaient accepté de se laisser forcer la main, car le Luxembourgeois était un ancien Premier ministre du Grand-Duché (1995-2013) et faisait donc partie du club. Surtout, conservateurs et socialistes avaient alors la majorité absolue à eux deux. Une époque désormais révolue : le PPE (180 élus sur 751) et les socio-démocrates (146 députés) enregistrent un recul historique et ont besoin d’un troisième groupe pour atteindre la majorité. En clair, sans les centristes (109 députés), ils ne peuvent rien faire.

Les espoirs douchés de Weber

Mardi matin, le Belge Guy Verhofstatdt, qui préside pour l’instant le groupe réunissant l’ADLE (libéraux) et les Français de Renaissance, a officiellement mis fin aux espoirs de Weber en refusant, avec d’autres présidents de groupes, d’entériner sa candidature. Certes, il a renouvelé son soutien à une résolution votée en février 2017 sur le système des Spitzenkandidaten (la liste arrivée en tête obtient la présidence de la Commission), mais celle-ci faisait explicitement le lien entre sa pérennisation et la création d’une circonscription transnationale (les têtes de liste devant se faire élire par l’ensemble des citoyens européens). Or le PPE a refusé sa création en 2018 afin d’affaiblir Emmanuel Macron qui la défendait.

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C’est ce qui a poussé le chef de l’Etat français à s’opposer à cette nomination automatique, d’autant qu’elle revenait à assurer pour longtemps la présidence la Commission au PPE (qui possède le poste depuis 2004). La désignation par les instances dirigeantes du PPE (en réalité la CDU-CSU allemande) de Weber, qui n’a à son actif que la présidence du groupe politique du PPE et qui ne parle pas français, a achevé de convaincre le Président de rejeter ce système tant qu’une circonscription transnationale ne serait pas créée.

Sa tâche a été facilitée par l’excellente opération qu’il a réalisée dimanche : certes, sa liste, Renaissance, est légèrement devancée par le Rassemblement national, mais avec ses 21 eurodéputés, il devient la force centrale du groupe charnière qu’il forme avec les libéraux, alors que l’extrême droite, malgré ses 22 élus, ne pèse rien dans l’Assemblée européenne (elle siège dans un groupe de 58 députés totalement isolés). Surtout, Angela Merkel, qui soutient le système des Spitzenkandidaten, alors qu’elle s’y opposait en 2014, sans doute parce que le candidat est cette fois allemand, est considérablement affaiblie par la déroute du PPE et de la CDU. En outre, au sein du Conseil européen, l’équilibre politique a changé : le PPE est désormais à égalité avec les socialistes et les libéraux.

Négociations au Parlement européen

Le dîner de mardi soir, qui a suivi une après-midi de rencontres bilatérales, a confirmé ce nouvel équilibre des forces. Un dîner auquel n’ont assisté que les chefs qui ont été priés de laisser leur portable à l’extérieur… Curiosité de ce sommet : la présence de la Britannique Theresa May dont le pays aurait dû quitter l’Union le 29 mars. Merkel a dû reconnaître de mauvaise grâce qu’il n’existait aucune majorité suffisante pour soutenir Weber. D’ailleurs, lors de sa conférence de presse, elle s’est abstenue de prononcer le nom de Weber dans son propos liminaire. En réponse à une question, elle a répété qu’elle le soutenait, mais que ce n’était pas le cas des sociaux-démocrates du SPD, son partenaire au sein de la Grande Coalition (GroKo).

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La chancelière a expliqué que le Polonais Donald Tusk, le président du Conseil européen, va entamer des négociations avec le Parlement afin de trouver, d’ici le sommet des 21 et 22 juin, une personnalité susceptible de réunir une majorité absolue au sein du Parlement et une majorité qualifiée (55% des Etats représentant 65% de la population) au sein du Conseil. C’est un retour au traité de Lisbonne qui prévoit que les Etats nomment le président de la Commission «en tenant compte du résultat des élections européennes».

Les Vingt-Huit ont dressé une liste de critères. Ils veulent que le candidat prépare un programme précis traitant de la croissance et de l’innovation, de l’environnement, de la sécurité, de l’immigration, de la politique de défense et de l’Europe sociale. En outre, afin de rendre la pilule plus facile à digérer, cette nomination fera partie d’un paquet qui comprendra aussi les présidences du Parlement et du Conseil ainsi que le poste ministère des Affaires étrangères. La présidence de la Banque centrale européenne fera, elle, l’objet d’une négociation séparée entre les Etats. Il faudra enfin que la parité hommes-femmes soit parfaite, ce qui est une énorme nouveauté, et que l’équilibre Est-Ouest, Sud-Nord et bien sûr idéologique soit respecté. Bref, le candidat idéal sera une femme de l’Est acceptable par la droite, la gauche et le centre. Angela Merkel a cependant mis en garde contre une bataille rangée qui laisserait des traces durables et pourrait empêcher l’adoption du cadre financier pluriannuel 2021-2027… De longues nuits de tractations s’annoncent et elles n’aboutiront sans doute qu’à la fin de l’été, comme en 2014 où il avait fallu réunir trois Conseils européens de rang.

Jean Quatremer BRUXELLES (UE), de notre correspondant

Sorgente: (2) Commission : la candidature Weber rejetée, la perle rare reste à trouver – Libération

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