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25 April 2024
0 8 minuti 5 anni

A l’issue de deux mois d’audience, le parquet a requis les peines maximales contre les ex-dirigeants : un an de prison et 15 000 euros d’amende. Si deux des huit prévenus ont exprimé des remords, l’ancien patron, Didier Lombard, s’est tu.

Il est 16 h 30 lorsque la présidente annonce enfin «le moment important qui scelle les 46 audiences» du procès occupant la 31e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, depuis le 6 mai. C’est l’heure des derniers mots des prévenus. Et ceux, tant attendus, de Didier Lombard ne sont pas venus. Ce jeudi, l’ex-PDG de France Télécom prenait place pour la dernière fois dans l’enceinte judiciaire où il comparaissait pour «harcèlement moral» avec son ex-bras droit Louis-Pierre Wenès, son ancien directeur des ressources humaines, Olivier Barberot, quatre ex-collaborateurs, et l’entreprise France Télécom en tant que personne morale.

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Le triumvirat, qui aimait à se surnommer «le Bon, la Brute et le Truand», est soupçonné d’avoir instauré, au milieu des années 2000, une «politique de déstabilisation» des salariés avec les plans «Next» et «Act», dont la mission était de transformer l’entreprise – alors surendettée – en moins de trois ans. Notamment avec 22 000 départs et 10 000 mobilités sur quelque 120 000 salariés. Au cours des débats, les prévenus ont nié leur responsabilité, défendant leur bilan face à la crise que traversait France Télécom.

«Obsession»

Estimant pour sa part que cette «obsession» des départs était devenue «le cœur de métier» du trio, le parquet avait requis vendredi dernier les peines maximales : un an de prison et 15 000 euros d’amende contre les ex-dirigeants, et 75 000 euros d’amende contre l’entreprise.

Ce jeudi, le silence est total dans la salle d’audience pleine à craquer. Olivier Barberot est le premier à s’avancer. «J’ai le sentiment d’avoir été écouté, que le vouloir comprendre du tribunal était réel et que le débat était équitable » , dit-il avant de retourner s’asseoir. Louis-Pierre Wenès lui emboîte le pas. La voix de l’ex-numéro 2 est enrouée : «Je veux m’adresser à ceux pour qui le travail a été source de mal-être et de souffrance. J’en suis profondément désolé, je ne l’ai jamais voulu. Je voudrais aussi remercier les dizaines de milliers de collaborateurs qui ont permis à France Télécom de sortir de l’ornière.»

Les derniers mots de l’institution, devenue depuis Orange, ont été prononcés par Nicolas Guérin, actuel secrétaire général : «Ce procès est utile, nous devions y assister. C’était notre devoir» , assure-t-il. «Il est indéniable qu’il y a eu de la souffrance chez certains de nos collaborateurs, que nous n’avons pas su les protéger» , poursuit-il, tout en rejetant l’accusation de «harcèlement moral généralisé» à l’échelle de la boîte. «Nous engagerons une discussion avec nos partenaires sociaux pour créer une commission d’indemnisation des victimes.» Et ce, jure-t-il, «quelle que soit la décision du tribunal» . Les quatre cadres jugés pour «complicité de harcèlement moral» ne parleront pas.

Un peu plus tôt, les trois avocats de Didier Lombard, les derniers à plaider en défense, avaient demandé la relaxe pour leur client. Insistant sur le fait qu’une relaxe «n’est pas la négation de la souffrance des victimes». Suscitant parfois un grondement de protestation ou un rire nerveux dans le public. Didier Lombard «est comme il est, mais je ne crois pas que ce soit la sanction pénale qui puisse adoucir la douleur des victimes», a défendu Jean Veil, tandis que Bérénice de Warren s’attachait à dépeindre le polytechnicien de façon plus humaine : «La pudeur n’est pas mépris, et la défense n’est pas déni.» Non, son client «n’est pas un financier obsédé par l’idée de faire plaisir aux marchés financiers», mais un «serviteur de l’Etat».

Marathon

Avec ces ultimes paroles, une page se tourne : celle d’un marathon judiciaire de deux mois et demi. Un procès, on l’a lu et entendu à maintes reprises, historique et inédit à plusieurs égards. D’abord parce que c’est la première fois qu’une entreprise du CAC 40 était jugée pour un harcèlement moral institutionnel. Mais aussi en raison de l’ampleur des débats, de la complexité des faits, des quelque 120 parties civiles constituées. Le tout ayant donné naissance à environ 800 pages de notes d’audience dans lesquelles se replongera le tribunal afin de délibérer.

Durant ces deux mois et demi, les parties civiles se sont assises à quelques mètres seulement des compagnes des prévenus, ont croisé ces derniers dans les couloirs immaculés du palais… Deux mois et demi durant lesquels le tribunal s’est penché sur les cas des 39 victimes reconnues par l’instruction (dont 19 se sont suicidées), a écouté des experts, des sociologues du travail, des psychiatres. Sur le grand écran, un documentaire inédit de Serge Moati a été projeté, réalisé au cœur de l’été 2009, alors même qu’il y avait «un suicide de salarié toutes les semaines», selon les mots d’un témoin à la barre.

Dans une ultime prise de parole, la présidente a salué chacune des parties ayant participé à ce bon déroulement : les avocats des deux bords et leur «constante exigence», l’huissier et la greffière ayant orienté le public, les 30 témoins «venus parfois de loin», et dont l’éclairage a «indiscutablement» contribué «à faire avancer la réflexion de chacun». Cécile Louis-Loyant a aussi salué la ponctualité et la présence continue des prévenus : «Vous avez entendu et écouté […] Vous auriez pu vous taire, c’était aussi votre droit.» Avant de rendre hommage «au courage» des victimes et de leurs proches venus livrer leur souffrance. Le tribunal, qui va désormais se retirer plusieurs mois pour délibérer, est ainsi «pleinement conscient des enjeux de ce procès, de son caractère inédit», rappelle la magistrate. Le jugement sera rendu le 20 décembre.

Chloé Pilorget-Rezzouk

Sorgente: (1) Procès France Télécom : des silences de mort – Libération

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