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Sept mois après l’arrêt de l’«Aquarius», le nouveau navire humanitaire «Ocean Viking» s’apprête à rejoindre la Méditerranée où 426 personnes sont mortes depuis le début de l’année. Pour Frédéric Penard, directeur des opérations à SOS Méditerranée, il est urgent de revenir secourir les migrants naufragés.

En décembre 2018, l’Aquarius était contraint de cesser ses activités après avoir secouru 30 000 migrants au terme de près de trois ans en mer. Sept mois plus tard, plus déterminés que jamais, les membres de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) reviennent en mer avec leur nouveau navire humanitaire Ocean Viking. Battant pavillon norvégien, le bateau a quitté les côtes polonaises jeudi 18 juillet, et devrait rejoindre la Méditerranée début août. Et ce malgré une politique migratoire européenne de plus en plus réticente à l’accueil des migrants. Frédéric Penard, directeur des opérations à SOS Méditerranée, est prêt à faire face aux nombreux défis qui attendent le navire.

Vous êtes de retour en mer avec Ocean Viking. Est-il difficile de dénicher un navire humanitaire ?

L’opération a été longue et complexe car nos exigences étaient beaucoup plus élevées après les déboires de l’Aquarius [le bateau a successivement été privé de son pavillon de Gibraltar puis de Panama, ndlr]. On a commencé à chercher un nouveau navire dès que l’on a dû s’en séparer à contrecœur, en décembre dernier. On voulait s’assurer que le propriétaire du bateau serait partant pour nous accompagner dans cette mission compliquée. Dès janvier, on a reçu une quinzaine de propositions d’armateurs avant de nous positionner sur un navire qui répondait parfaitement à notre cahier des charges. Malheureusement, il a été retiré de la location et nous avons dû repartir de zéro. C’est à ce moment-là que l’Ocean Viking, parfaitement adapté à nos besoins, est apparu dans notre radar et que nous avons signé un contrat d’affrètement, début avril.

Pourquoi avoir choisi de naviguer sous le drapeau norvégien ?

Notre expérience nous a montré que certains Etats pouvaient être instrumentalisés et nous bloquer à cause de pressions politiques. Un navire sous pavillon panaméen figurait par exemple sur la première liste mais nous l’avons immédiatement écarté de nos choix. En revanche, la Norvège nous a semblé être un Etat qui allait soutenir notre mission, ou du moins ne pas la stopper.

Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau navire ?

Le bateau a été construit en 1986 en Norvège comme navire d’assistance aux plateformes pétrolières en mer du Nord. Il a donc initialement été conçu pour le sauvetage en mer. Il est robuste, relativement vaste (69 mètres de long sur 15 mètres de large) et bénéficie d’un grand pont arrière plat et modulable qui nous a permis de l’adapter à nos besoins en Méditerranée centrale. Au total, il y aura une trentaine de personnes d’équipage, dont neuf marins et du personnel médical. Nous aurons également quatre canots de sauvetage.

Combien de personnes peuvent être secourues ?

On estime qu’on peut raisonnablement accueillir 200 à 300 personnes. Mais le devoir du capitaine est de venir en aide aux personnes en danger et s’il faut en secourir 400, on le fera. Il ne faut néanmoins pas perdre de vue qu’il s’agit d’une solution d’urgence. Un navire humanitaire doit débarquer dans un port sûr le plus rapidement possible pour que les personnes soient prises en charge sur terre.

Quel regard portiez-vous sur l’évolution de la situation des migrants en Méditerranée lorsque vous étiez à terre ?

La situation est toujours extrêmement chaotique en Méditerranée centrale où les gens continuent de se noyer. La coordination des secours n’est toujours pas assurée et le blocage des organisations de sauvetage s’est renforcé avec des décisions judiciaires arbitraires, ce que nous avions connu avec l’Aquarius. C’est très frustrant d’être sur terre sans pouvoir faire quoi que ce soit ! Mais cela a boosté notre détermination à revenir en mer pour témoigner de ce qui se passe. Il est urgent de trouver des solutions pour que les gens arrêtent de se noyer.

Justement, que pensez-vous du «mécanisme de solidarité» proposé conjointement par l’Allemagne et la France, lundi, visant à répartir les migrants secourus en Méditerranée entre différents pays ?

Tout ce qui facilite le fait que les Etats ouvrent leurs ports et autorisent les débarquements est positif. Même si ce mécanisme ne concerne jusqu’à présent pas tous les pays membres de l’Union européenne, il faut que certains Etats soient «moteurs» pour montrer l’exemple.

Depuis plus d’un an, l’Italie a fermé ses ports aux navires humanitaires. Etes-vous préparés à la possibilité d’une longue attente en mer ?

Oui, le navire est préparé à ce genre de situations difficiles. On sait néanmoins que les Etats européens ont toujours trouvé des solutions pour faire débarquer les migrants car cela fait partie du droit maritime. L’objectif est que les bateaux puissent accoster le plus vite possible. C’est la sécurité humaine et le respect de la dignité qui sont en jeu.

Léa Masseguin

Sorgente: Méditerranée : «Il faut trouver des solutions pour que les gens arrêtent de se noyer» – Libération

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