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26 April 2024
0 11 minuti 5 anni

Environ 200 militants écologistes ont tenté d’occuper la mine de charbon de Tomisławice, samedi 20 juillet, pour protester contre cette industrie toute puissante. Mais les forces de l’ordre ont brutalement réprimé leur action.

Un «camp pour le climat» au cœur de la Pologne noire. Dans un pays où la conscience écologique commence à peine à percer et où l’adoration des mineurs reste forte, le pari était pour le moins risqué. Samedi 20 juillet, après une semaine de camping militant, des écologistes polonais ont tenté d’occuper la mine de charbon à ciel ouvert de Tomisławice, dans le centre du pays. Sur ce site on y extrait du lignite, un type charbon dont le rapport pollution-efficacité est calamiteux. Depuis son ouverture, il y a un peu plus d’une décennie, la mine de Tomisławice est cœur d’un conflit entre la population locale et l’entreprise privée ZE PAK, quatrième fournisseur d’électricité du pays.

Rarissime en Pologne, l’événement a rassemblé quelque 200 volontaires dans cette région centrale de Konin, trouée par les mines et sévèrement touchée par la sécheresse. Optimistes, ils s’étaient préparés pour tenir le camp deux jours et avaient enfilé des combinaisons blanches, un masque anti-poussière avant de maquiller leur visage. Persuadés que la réaction des autorités, par manque d’expérience, serait difficile à prévoir, la plupart avaient décidé d’écrire sur leurs bras et leurs jambes le numéro de téléphone d’un avocat. Une fille de l’unité noire anar et vert écolo a même décidé d’entailler ses empreintes digitales au rasoir. Au cas où…

Ce 20 juillet, le déploiement des forces de l’ordre en charge de la protection de la propriété du milliardaire Zygmunt Solorz-Zak, la seconde fortune polonaise, a surpassé l’entendement des militants. Ces derniers ont d’ailleurs été accueillis à coups de matraque et de gaz lacrymo. En quelques minutes, dans le chaos, la plupart ont été brutalement plaqués au sol, bien avant d’atteindre la mine. Bilan de l’opération : une blessée légère, quelques arrestations, des dizaines d’amendes, et l’extraction arrêtée pendant dix petites minutes.

Une industrie intouchable

La mine aura finalement bien été occupée, mais pour un temps relativement réduit. L’impact aura donc été symbolique. Car l’industrie du charbon semble encore intouchable en Pologne. Il est vrai que 80% de l’électricité provient de cette énergie fossile (en 1990, c’était 98%). Que le secteur représente encore une bonne centaine de milliers d’emplois et que des écoles en Silésie forment encore aux métiers des mines. Autant de caractéristiques qui ont sans doute poussé, fin juin, Varsovie à s’opposer au plan de la Commission européenne visant à réduire les émissions nettes à zéro d’ici à 2050. Une semaine plus tard, le gouvernement ultraconservateur décide d’assouplir sa position et demande des compensations, estimant qu’une transition coûterait la somme astronomique de 900 milliards d’euros. A des années-lumière des cinq milliards déjà proposés par la Commission européenne. Le gouvernement, pour décarboner l’économie, prévoit de construire six centrales nucléaires dans les années 2030.

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«Les mineurs sont puissants et font peur aux politiciens», regrette Jas Kapela. Présent au camp, cet écrivain journaliste, quasiment élevé au rang de gourou grâce à ses textes publiés dans la revue de gauche Krytyka Polityczna, estime que «les membres du PiS (Droit et Justice, le parti au pouvoir) profitent des mines. Idem pour les syndicats qui s’enrichissent en important du charbon russe. Sans compter qu’il y a une certaine fierté à être mineur en Pologne». A l’instar de celle (de moins en moins évidente) de garantir l’indépendance énergétique. En Pologne, les mineurs font partie des professions les plus respectées par la population. Quatre Polonais sur cinq en auraient une bonne opinion, devant les enseignants, les médecins ou encore les infirmières. Chaque année, le 4 décembre, les mineurs défilent dans leur bel uniforme boutonné, avec leur casque à plumes. C’est la Barborka, une fête populaire à laquelle ne manquent pas de se montrer les plus hauts représentants de l’État – quel que soit leur parti.

Pourtant, depuis quelques années, les Polonais sont toujours plus nombreux à pester contre le smog qui les étouffe chaque hiver. Le phénomène n’est pas nouveau. Mais la colère, si. Des collectifs Smog Alert sont apparus dans les villes les plus touchées. Cracovie, et surtout Katowice, qui a pourtant accueilli la COP24 en novembre, se classent systématiquement parmi les villes les plus irrespirables d’Europe. «C’est un sujet qui rassemble. Qui nous a permis d’apprendre à descendre dans la rue, estime Natalia Matuszak, 32 ans, militante venue de Cracovie qui souhaite mettre sur pied une coopérative citoyenne de production d’énergie. Le discours commence à changer, l’écologie est devenue une valeur familiale. Des parents viennent nous voir parce qu’ils ont peur de l’avenir de leurs enfants.» La politique menée par le PiS a mobilisé les jeunes Polonais, peu habitués à manifester. «Czarny Protest», contre l’interdiction totale de l’avortement, et la défense de la forêt primaire de Bialowieza, en sont les exemples les plus frappants.

«Les mêmes actions ont plus de poids qu’avant»

Les conséquences du charbon sur l’environnement ne se limitent pas à l’air. La mine de Tomisławice se trouve à proximité de zones protégées Natura 2000. Chercheurs et habitants de la région tentent depuis dix ans d’attirer l’attention des gouvernements successifs et de l’Union européenne. En vain. C’est donc à bras ouverts que les agriculteurs ont accueilli les écologistes. Ryszard Dominiak, 70 ans, est venu les soutenir tous les jours en leur récitant des poèmes.

le 17 juillet 2019. Agata Tarasewicz, 24 ans, sur le camp pour le climat. Agata Tarasewicz. Photo Michal Mikulski pour Libération

Cette deuxième édition du camp pour le climat, gratuit et ouvert à tous, a rassemblé jusqu’à 500 participants, des militants professionnels aux simples curieux. L’initiative, organisée sans partis politiques ou ONG, et au financement participatif, ne revendique aucun leader. Deux banderoles seulement étaient visibles, celles de «Food not Bombs», les anarchistes en charge de la cantine, et d’«Extinction Rebellion», le jeune mouvement international d’action directe pour le climat. «C’est une bonne représentation de ce qui se passe aujourd’hui en Pologne», se réjouit Agata Tarasewicz, 24 ans, organisatrice d’une grève pour le climat à Wroclaw. «Les activistes sont davantage écoutés en Pologne, nous sommes à un tournant : les mêmes actions ont plus de poids qu’avant. Je me souviens qu’il y a quelques années, je pensais que les militants de Greenpeace étaient fous ! Aujourd’hui les gens acceptent leurs actions.»

L’étudiante était venue «s’éduquer» au camp où étaient proposés de nombreux ateliers, tant sur le discours que la méthode. Ciblage d’une action en fonction de l’agenda politique, recrutement des volontaires, art de manifester le poing levé et des réunions transformées en «moments de joie»… L’une des élèves les plus studieuses était certainement Inga Zasowska, qui s’inspire, jusqu’au bout des nattes, de l’activiste suédoise Greta Thunberg. Zasowska est la figure des grèves étudiantes pour le climat en Pologne : «La première a rassemblé 10 000 personnes à Varsovie. Nous avons aussi fait le piquet devant le Parlement, des professeurs nous ont rejoints, et même des vieilles dames avec des écriteaux “Mamies en grève” !» À seulement 13 ans, elle a réussi l’exploit d’attirer l’attention médiatique et politique sur un sujet encore ignoré par beaucoup de ses concitoyens.

Une réticence qui s’explique en partie par un désir de «rattrapage», notamment pour ceux qui ont encore le souvenir des privations de la décennie 80 ou qui ont connu des années 90 difficiles. Piotr et Ola Glebski, respectivement 27 et 29 ans, sont devenus écolos du jour au lendemain. C’était en 2017. Depuis ce couple d’ingénieurs a changé son mode de vie et essaie de sensibiliser d’autres familles à Lodz : «On a vendu une voiture, on ne mange presque plus de viande, on voyage et on consomme beaucoup moins, résume Ola. Mais c’est plus compliqué avec nos proches : ils ont enfin les moyens et veulent acheter à notre fils tout ce qu’ils n’ont pas pu nous offrir à nous…»

Le 17 juillet 2019. Piotr Miszczak, 26 ans,   sur le camp pour le climat. Piotr Miszczak. Photo Michal MIkulski pour Libération

Piotr Miszczak a 26 ans. Il dit qu’il est «pauvre comme une souris», et qu’il a dépensé toute sa fortune (30 zlotys, 7€) pour venir au camp. Il est l’un des rares à avoir réussi à occuper la mine. Depuis quelques années, il consacre tout son temps à des associations et au parti de gauche Razem. «L’écologie, c’est compliqué pour les gens de la génération de mes parents. Ils se méfient de tout ce qui vient de la gauche, qu’ils assimilent au communisme… Pour eux, c’est “on a essayé, on a vu le résultat !”. Mais même l’extrême-droite s’y met, avec comme argument : nous sommes en train de perdre le pays à cause du changement climatique !» Une récupération surprenante dans laquelle, faute de mieux, il trouve un peu d’espoir.

Justine Salvestroni correspondante à Varsovie

Sorgente: En Pologne, la colère gronde autour des mines de charbon – Libération

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