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23 April 2024
0 7 minuti 5 anni

L’UE est jusqu’ici restée assez silencieuse sur le dossier catalan. Si ses parlementaires venaient à soutenir les indépendantistes, ils pourraient mettre en péril l’édifice démocratique européen.

Tribune. Quim Torra, l’actuel président de la Generalitat, a déclaré : «Nous mettons la volonté des gens, la démocratie, avant la loi.» (1) Un élu postule donc qu’aujourd’hui, dans un Etat européen, la révolution, le coup de force, est une pratique supérieure à la réforme par la loi. Et pour nombre d’articles sur la sentence qui vient d’être rendue contre les élus et militants séparatistes catalans, la condamnation de ces personnes transformerait l’Espagne en un Etat arbitraire ne respectant pas ses propres règles démocratiques. «Nous sommes passés, dit Quim Torra, d’un Etat de droit à l’application d’un droit d’Etat contre la dissidence, uniquement fondé sur l’unité sacrée de l’Espagne.»

À lire aussi :Tribune – La judiciarisation de la question catalane est une impasse

«DU» signifie dans la presse espagnole «déclaration unilatérale» d’indépendance, celle que les nationalistes catalans, majoritaires en sièges mais minoritaires en voix, ont voté le 10 octobre 2017 après une mascarade de référendum (listes incontrôlées qui ont permis à des électeurs de voter plusieurs fois, bulletins ramassés par terre, etc.). Mais DU pourrait aussi signifier «désunion européenne» si les parlementaires européens remettaient en cause le principe même de l’application de la loi en Espagne.

Contrôle des institutions

L’Etat espagnol est «de droit» parce qu’il repose sur une Constitution négociée il y a quarante ans entre des partis aux ambitions géopolitiques différentes pour ouvrir la voie de la démocratie et du développement après la guerre civile et trente-sept ans de dictature. En 1978, dans la province catalane de Gérone, la plus indépendantiste aujourd’hui, 90% des votants ont approuvé la Constitution espagnole (participation : 72%). Peut-être aurait-il fallu que les grands partis pensent à la réformer, qu’un mouvement citoyen le réclame, ou que les partis nationalistes catalans en fassent une revendication. Mais cela n’a pas eu lieu, pour des raisons complexes, et aujourd’hui ces nationalistes catalans tentent d’imposer leur pouvoir à tous les citoyens : avec 70 députés (majorité absolue : 68) ils ont déclaré prendre le contrôle de toutes les institutions qui régissent la vie de 52,7% des votants (2017 ; 37% des inscrits).

Si les parlementaires européens s’exprimaient majoritairement pour le respect de la pratique révolutionnaire (tout changer d’un coup) des séparatistes, c’est l’édifice démocratique européen du compromis et de l’alternance qui serait fragilisé. Accorder une valeur équivalente aux pratiques politiques du mouvement séparatiste catalan et à celle des institutions espagnoles serait considérer que «le peuple» est doté d’une raison immanente et admettre par là même le bien-fondé de toute idéologie souverainiste dès lors qu’elle s’exprime en dehors du cadre des Constitutions actuellement en vigueur.

Intouchables

Lorsqu’ils ont voté les lois abrogeant l’ordre juridique espagnol en vigueur, les nationalistes catalans connaissaient les peines qu’ils encouraient, mais ils étaient sans doute persuadés qu’ils étaient intouchables parce qu’ils étaient élus. Laisser croire à des élus qu’ils peuvent s’affranchir en toute impunité des lois qu’ils connaissent serait un risque considérable pour la solidité de nos systèmes démocratiques. Les juges de la cour suprême espagnole ont écarté le verdict de rébellion : ils ont estimé que la stratégie de mobilisation de la foule nationaliste et ses débordements étaient un trouble à l’ordre public et non une «violence». Ils ont surtout minimisé la gravité des lois votées par les nationalistes catalans visant explicitement à abolir la monarchie constitutionnelle espagnole, à créer une nationalité catalane obligatoire et une nouvelle frontière sur terre, dans la mer et dans les airs. Ceci aurait pu être qualifié de rébellion, mais c’est la notion de trouble à l’ordre public qui a été choisie, à l’unanimité.

Le 28 mai 2019, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la décision du Tribunal constitutionnel espagnol de suspendre la séance plénière du Parlement catalan du 9 octobre 2017 (où il était prévu de déclarer unilatéralement l’indépendance de la Catalogne) était «nécessaire dans une société démocratique, notamment pour le maintien de la sûreté publique, la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui, au sens de l’article 11-2 de la Convention» (2) européenne des droits de l’homme. Nous verrons ce que sera son interprétation, au plan juridique, de cette sentence.

L’opportunisme des dénonciations de ceux qui se rangent du côté d’un droit immanent du peuple, sans décrire la complexité de la situation, renforce la défiance des citoyens dans les institutions qui fonctionnent. Or cette défiance n’est pas à prendre à la légère, car elle pourrait alimenter le vote d’extrême droite, force montante dans toute l’Europe.

«Nosotros ponemos la voluntad de la gente, la democracia, por delante de la ley.» Citation dans El Mundo, 13 février 2019.

2 Décision d’irrecevabilité communiquée par la troisième section de la CEDH le 28 mai 2019.

Barbara Loyer professeure à l’Institut français de géopolitique (Paris-8)

Sorgente: Catalogne : les risques de désunion européenne – Libération

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