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La réunion ce lundi à Paris des ministres de l’Intérieur européens n’a pas permis d’aboutir à la création d’un mécanisme de relocalisation des demandeurs d’asile, qui aurait facilité le travail des ONG de sauvetage en mer. La France espère qu’il verra le jour en septembre.

Par Nelly Didelot et Lucie Lespinasse

Quatre ans après l’instauration de quotas, censés aider à la relocalisation des demandeurs d’asile dans tous les pays de l’Union, la politique d’accueil européenne est toujours au point mort. Les quotas n’ont pas été appliqués, ou de manière très marginale. Les nouvelles tentatives franco-allemandes de mettre en place un mécanisme d’accueil des réfugiés, temporaire et basé sur le volontariat, patinent.

Après une première rencontre informelle à Helsinki la semaine dernière, une nouvelle réunion de travail entre les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères européens avait lieu ce lundi à Paris. La France et l’Allemagne y ont proposé un projet de mécanisme destiné à mettre fin à l’errance des bateaux en mer Méditerranée et à assurer les débarquements de migrants de manière plus efficace et plus humaine.

Pour cela, «une coalition de volontaires» s’engagerait à se répartir, de manière systématique et sans négociation, l’accueil des personnes secourues en mer. En échange, l’Italie et Malte ouvriraient leurs ports aux bateaux de sauvetage. Ce projet temporaire, porté par les ministres de l’Intérieur français et allemand, Christophe Castaner et Horst Seehofer, prévoit d’un côté une relocalisation rapide des migrants dans d’autres pays que celui de leur arrivée. De l’autre, il assurerait une procédure de retour accélérée pour ceux qui ne peuvent pas prétendre au statut de réfugié.

Ce mécanisme renforcerait également les obligations des navires de sauvetage, comme le respect des instructions données par le centre de coordination des secours ou l’interdiction de compliquer la mission des gardes-côtes. Il a enfin pour projet d’apporter une aide accrue aux pays d’origine ou de transit et de renforcer les moyens des gardes-côtes des pays du Sud et de la Méditerranée.

Opposition italienne

Mais si la majorité des pays de l’UE s’accorde sur la nécessité d’un nouveau mécanisme d’accueil, seuls huit pays, dont la France, l’Allemagne et la Finlande, ont acté leur participation à cette coalition de volontaires. D’après Emmanuel Macron, qui s’est exprimé sur le sujet en fin de journée, six autres pays soutiendraient le texte, sans prendre part au mécanisme «de manière active».

La France s’est dite «confiante», lundi, sur la possibilité d’arriver à un accord rassemblant une dizaine de pays d’ici à la prochaine réunion prévue en septembre. Les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie) qui s’étaient déjà opposés en 2015 au principe des quotas de répartition des demandeurs d’asile devraient refuser de s’associer au dispositif, selon toutes probabilités.

Le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini a lui refusé de se déplacer à Paris, au motif que «la France et l’Allemagne ne peuvent pas décider des politiques migratoires en ignorant les demandes des pays les plus exposés comme Malte et nous».

Le patron de la Ligue (extrême droite) réclame pourtant une refonte de ces politiques depuis son entrée en fonction l’an dernier et a justifié la fermeture des ports italiens aux navires de sauvetage par l’absence de «partage du fardeau» de l’immigration.

La semaine dernière à Helsinki, lors de la précédente réunion de travail sur le sujet, il a présenté, avec Malte, un projet concurrent de celui porté par la France, l’Allemagne et la Finlande. Il préconise de revoir les règles de recherche en mer pour «empêcher les abus qui visent à favoriser une immigration illégale et incontrôlée», de débarquer les migrants dans les pays limitrophes aux pays de départ et d’y construire des centres d’identification et d’accueil temporaire. En clair, il ne s’agit plus pour Salvini de mieux répartir les migrants mais de tout faire pour les empêcher d’atteindre l’Europe.

Route meurtrière

Depuis le pic de 2015, la migration à travers la Méditerranée n’a cessé de diminuer. Selon les derniers chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 34 226 personnes ont traversé la Méditerranée entre le 1er janvier et le 17 juillet 2019, contre 57 782 sur la même période l’an dernier. Soit une décrue de 34%. Et ce alors que l’année 2018 avait déjà marqué le plus bas nombre d’arrivées depuis 2015 (122 000 contre un million).

Contrairement à ce qu’affirme Matteo Salvini, Malte et l’Italie ne sont pas les deux pays les plus touchés par ces traversées de la Méditerranée. Depuis janvier, seuls 3186 migrants ont touché les côtes italiennes et 1443 les côtes maltaises, contre plus de 16 000 en Grèce et 12 000 en Espagne, qui concentrent 83% des arrivées.

Moins fréquentée, la route de la Méditerranée centrale, qui conduit les bateaux de migrants de Tunisie et de Libye vers Malte et l’Italie est par contre bien plus meurtrière que celles de la Méditerranée orientale (qui part de Turquie vers la Grèce) ou occidentale (du Maghreb vers l’Espagne). Depuis janvier, au moins 426 personnes y ont trouvé la mort en tentant la traversée, un nombre qui correspond à un dixième des traversées réussies.

Entravés par les lois anti-migratoires italiennes et maltaises, les bateaux d’ONG qui effectuent la plupart des sauvetages en mer ont de plus en plus de mal à trouver des ports qui acceptent de les laisser débarquer les migrants recueillis en mer. Ils passent souvent de longs jours à errer au large des côtes italiennes, en attendant que les capitales européennes se mettent d’accord pour accueillir les réfugiés à leur bord. Autant de jours où ils ne peuvent plus porter secours à de nouveaux canots en détresse.

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Sorgente: Migrants secourus en mer : le nouveau «mécanisme de solidarité» avance au ralenti – Libération

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