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Elisabeth Borne et Emmanuel Macron à l’Elysée, le 27 juin.

Moins d’un an après la démission de Nicolas Hulot, le départ de François de Rugy embarrasse le gouvernement, qui aimerait malgré tout continuer à verdir son image. Bilan d’étape.

Un défilé. Ministres et porte-parole du gouvernement se sont succédé mercredi devant les caméras pour répéter un même mot d’ordre : le changement de tête au sommet du ministère de la Transition écologique et solidaire ne modifie en rien la volonté de l’exécutif de faire de l’écologie une priorité. «L’acte II du quinquennat doit être fait d’écoute du terrain et des partenaires sociaux et de détermination à changer concrètement le quotidien de chacun, a assuré Elisabeth Borne lors de la passation de pouvoir de François de Rugy. Un acte dans lequel la transition est la première des priorités : c’est le cap fixé par le président de la République et le Premier ministre.» Après des européennes marquées par une poussée du vote écolo, le gouvernement a multiplié les annonces sur la protection de l’environnement depuis fin mai. «Plus personne n’a le monopole du vert […]. Ces douze prochains mois seront ceux de l’accélération écologique», a d’ailleurs promis Edouard Philippe lors de son discours de politique générale mi-juin. Le mouvement des gilets jaunes complique la tâche au sommet de l’Etat : il faut désormais garantir une transition écologique acceptable pour toute la population, histoire de ne pas répéter le fiasco de la hausse de la taxe carbone. L’écologie, vraiment prioritaire ? Libération fait le bilan et défriche les chantiers à venir.

On avance

Les principales avancées, qui demandent à être confirmées, sont toutes récentes. Fin mai, trois jours avant les élections européennes et à l’issue du premier Conseil de défense écologique (une instance créée au terme du grand débat national), le gouvernement jugeait «incompatible avec les exigences de protection de l’environnement» le projet contesté de la Montagne d’or, immense mine d’or à ciel ouvert envisagée au cœur de la forêt guyanaise. Cela «ne se fera pas», ont ensuite répété les membres de l’exécutif, le qualifiant de «projet du passé». Soit peu ou prou les mots d’Emmanuel Macron au début de l’année 2018 pour justifier sa décision d’abandonner le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Les opposants à la Montagne d’or restent sur leurs gardes : la réforme du code minier, promise pour les prochains mois afin d’y intégrer des exigences environnementales, pourrait permettre d’en présenter une version «améliorée».

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Autre point positif, le projet de loi «relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire», présenté la semaine dernière en Conseil des ministres. Avec ce texte, décrit comme une pierre angulaire du dispositif écolo de Macron, le gouvernement entend permettre le passage d’un modèle linéaire («j’extrais, je consomme, je jette») à un modèle circulaire («j’extrais moins, je consomme mieux, je répare et recycle»). Le texte, qui devrait être examiné au Sénat à la rentrée et dont l’exécutif espère l’adoption avant la fin de l’année, encourage la réparation des produits, améliore l’information des consommateurs ou renforce la responsabilité des industriels dans la gestion des déchets (dont les mégots de cigarettes). En revanche, il ne tranche pas certaines questions, comme celle des biodéchets.

Début juillet, le débat sur les conséquences écologiques du transport aérien prenant de plus en plus d’ampleur à l’échelle mondiale, le gouvernement a annoncé la mise en place dès 2020 d’une écocontribution sur les vols au départ de la France. Selon la distance et le prix des billets, ils seront taxés de 1,50 euros à 18 euros. La mesure sera intégrée au projet de loi de finances qui doit être débattu à l’automne. Elle est qualifiée de «premier pas timide» par certaines ONG, mais combattue frontalement par les compagnies aériennes. L’exécutif compte aussi réduire l’avantage fiscal accordé aux poids lourds sur le gazole. Le produit de ces contributions doit être investi dans des infrastructures de transports écologiques, notamment dans le ferroviaire.

On fait du sur-place

Difficile de le nier : en matière d’environnement, le gouvernement aime se fixer des objectifs ambitieux. Les respecter est une autre histoire. Malgré l’ambition proclamée d’atteindre la «neutralité carbone» à l’horizon 2050 – «la France est l’un des premiers pays d’Europe à le faire», a vanté François de Rugy mercredi – et une baisse de 40 % de la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030, l’exécutif a freiné de possibles avancées dans la lutte contre les passoires thermiques, ces bâtiments énergivores mal isolés. Lors de l’examen du projet de loi énergie-climat fin juin à l’Assemblée, gouvernement et majorité ont mis de côté de possibles mesures coercitives contre les propriétaires de «passoires», préférant un dispositif «progressif» en trois temps : «incitation, obligation et en dernier recours sanctions» mais à l’horizon 2028. La rénovation thermique est pourtant l’enjeu sur lequel la France est le plus en retard, d’après le premier rapport du Haut Conseil pour le climat rendu deux jours avant.

Préoccupation importante en ces temps de canicules, la pollution de l’air ne diminue guère en métropole. L’exécutif peine à trouver des solutions malgré l’accumulation des rapports sur les conséquences en termes de santé publique, dont le dernier de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Le projet de loi mobilités (LOM) contient les principales mesures pour avancer sur ce front : le problème, c’est qu’après avoir pris beaucoup de retard parlementaire, il repart à la case départ à la rentrée à la suite d’un blocage au Sénat.

Autre dossier chaud : le glyphosate. Fin 2017, Macron promettait que la France se passerait «d’ici trois ans», soit fin 2020, de ce pesticide classé «cancérigène probable» par l’OMS. En janvier, le Président a cependant ouvert la porte à des prolongations pour certaines filières en difficulté, fixant des conditions : ces exceptions ne doivent pas dépasser 10 % des usages ni être reportées «au-delà de 2022». Pour évaluer si ces délais peuvent être tenus, le rapport d’étape de la mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate de l’Assemblée est attendu avec impatience. Si tout se passe bien, l’Anses retirera d’ici à 2020 les autorisations de mise sur le marché filière par filière, à chaque fois qu’une alternative fiable sera trouvée. Un scénario difficilement crédible vu les efforts déployés par le gouvernement en 2018 pour éviter d’avoir à inscrire l’interdiction pure et simple du glyphosate dans la loi alimentation. Autre symbole, l’exécutif met en avant pour preuve de sa bonne foi verte l’augmentation du budget du ministère de la Transition écologique, qui passera de 31 milliards à 31,9 milliards d’euros entre 2019 et 2022. Difficile de tirer une conclusion claire de ces chiffres puisque ce budget comprend au moins 9 milliards d’euros d’allocations aux prestations de l’aviation civile et de retraites de la SNCF et de la RATP, entre autres. D’après Bercy, cette progression budgétaire des fonds servira l’an prochain surtout à financer le renforcement de la prime à la conversion des véhicules polluants et la transformation du crédit d’impôt à la transition énergétique en prime.

On recule

Malgré l’annonce en mai de la mise en place d’un «Observatoire de l’artificialisation des sols» afin de tendre vers le «zéro artificialisation», le gouvernement n’a abandonné aucun des «grands projets inutiles» dévoreurs de terres agricoles dénoncés par les écologistes. Le chantier autoroutier du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg a démarré à l’automne. Tout comme, fin juin, celui de la gare du Triangle de Gonesse, dans le Val-d’Oise, qui jalonnera la ligne 17 du futur métro du Grand Paris Express. Ce qui ouvre la voie à l’aménagement du projet de mégacomplexe commercial EuropaCity, craignent ses opposants. Malgré la loi sur la fin des hydrocarbures, le gouvernement ne s’est pas opposé à l’importation par Total de dizaines de milliers de tonnes d’huile de palme en provenance d’Indonésie pour sa raffinerie de la Mède (Bouches-du-Rhône), dont la production a démarré début juillet. De quoi faire hurler les écologistes. Mercredi, 30 militants d’ONG de protection de l’environnement ont organisé une opération «rappel à la loi» sur le site. Ils font référence à un article du budget 2019 voté en décembre, prévoyant l’exclusion des produits à base d’huile de palme de la liste des «biocarburants» à partir du 1er janvier 2020. Ce qui signifie, expliquent les ONG, que ces agrocarburants «ne pourront plus bénéficier des avantages fiscaux qui assuraient jusqu’alors leur rentabilité économique», avantages représentant «environ 100 millions d’euros par an» pour Total.

Autre recul, depuis le départ de Hulot du ministère de l’Ecologie, les chasseurs ont obtenu de jolis cadeaux. Parmi les derniers en date figure un arrêté autorisant pour les trois prochaines années l’élimination des putois, fouines, renards, belettes ou geais des chênes, en dehors de la période d’ouverture de la chasse, dans les départements où leur destruction par des piégeurs agréés est autorisée. Et ce malgré 65 % d’avis négatifs sur les quelque 54 000 contributions de citoyens lors d’une consultation publique sur le sujet, qui s’est achevée fin juin. Pour 30 Millions d’amis, c’est un «déni de démocratie».

Et maintenant ?

Borne a parlé d’un «immense défi» en reprenant les dossiers du ministère, qui s’annoncent complexes. L’examen de la loi mobilités, qu’elle porte depuis plus d’un an, a été reporté à la rentrée juste avant le début du marathon budgétaire. «Je compte beaucoup sur la convention citoyenne à partir de la rentrée», a-t-elle souligné lors de la passation de pouvoir. Cette instance, lancée par Macron, est chargée de proposer des mesures concrètes sur la transition. Tirés au sort, ces 150 particuliers doivent commencer leurs travaux en septembre et conclure début 2020. Ils sont attendus au tournant sur la fiscalité écologique. Sur le bien-être animal, Rugy avait prévu de prendre en septembre des décisions sur le sort des animaux dans les cirques, les zoos, les delphinariums et les élevages de visons.

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Sur la scène internationale, l’actualité environnementale démarre au quart de tour en septembre, avec un sommet onusien exceptionnel sur le climat organisé à New York, où la France sera responsable des questions de finance. Etape cruciale avant la COP 25 au Chili, en décembre, Macron devra y défendre son bilan national et européen. L’exécutif veut s’afficher comme leader sur la protection de la biodiversité, malgré de faibles avancées sur le plan hexagonal. L’année 2020 promet d’être décisive avec la COP 15 «biodiversité» en Chine, à la fin de l’année, dont beaucoup espèrent qu’elle se terminera sur un accord équivalent à celui de Paris sur le climat. Pour porter cette dynamique, Paris a accepté d’accueillir le Congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature à Marseille fin juin. Moment clé pour poser les jalons d’un potentiel accord mondial et occasion pour la France d’aligner des actes sur ses ambitions affichées.

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Coralie Schaub Aude Massiot

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