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Un an après avoir repris l’usine de sèche-linge, Nicolas Decayeux vient d’annoncer la mise en redressement judiciaire. Les 164 salariés avaient pourtant été rassurés par l’implication d’Emmanuel Macron dans le dossier. Ils risquent maintenant de se retrouver à Pôle Emploi.

«Cela fait quand même un an qu’ils tondent les pelouses : certes, ils sont payés tous les mois, mais ne rien faire toute la journée… ils se posaient des questions», résume François Gorlia, le délégué CGT de Whirlpool Amiens. Restent les 164 anciens collègues de François Gorlia, repris par la société WN de Nicolas Decayeux à la fermeture de l’usine au 1er juin 2018, ont du mal à avaler la nouvelle de mardi : l’homme d’affaires a annoncé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Elle devrait être examinée en début de semaine prochaine par le tribunal de commerce. Mais il est déjà établi que la reprise de l’usine de sèche-linge par Decayeux a viré au fiasco.

Ce projet de reprise avait pourtant été porté au pinacle par le président de la République lui-même, Emmanuel Macron, qui avait rassuré les salariés sur leur avenir lors d’une visite très médiatisée sur le site, en octobre 2017. Whirlpool, c’était l’un des dossiers sensibles de la campagne présidentielle, le symbole des délocalisations industrielles. La fermeture programmée de l’usine avait été annoncée en janvier 2017, pour cause de déménagement de la production en Pologne. Pendant la campagne, Marine Le Pen s’était affichée sur le parking de l’usine en soutien des ouvriers, tout comme le candidat Macron et François Ruffin.

Impasse de trésorerie

Comment en est-on arrivé là ? Nicolas Decayeux est un notable local. Président du Medef de la Somme, il a quitté la tête du groupe familial Decayeux, leader de la boîte aux lettres, pour reprendre l’usine Whirlpool. Sur le papier, le projet était séduisant : production de casiers réfrigérants connectés, de chargeurs de batteries électriques, de voiture sans permis ; mise à disposition des machines-outils pour d’autres PME qui n’ont pas les moyens de s’équiper, pour créer la WN Open Factory, «un modèle innovant de site de production collaboratif», dixit le communiqué de presse de l’époque. Whirlpool promet un chèque de 45 000 euros par salarié repris, engagement tenu avec un versement total de 7,4 millions. L’Etat annonce de son côté 4 millions d’aides, échelonnées. D’abord 2,5 millions d’euros, le reste étant versé après vérification de la bonne santé économique de WN.

C’est d’ailleurs la préfète de la Somme, Muriel Nguyen, qui a sonné le tocsin le 28 mai. Elle a mis Decayeux devant ses responsabilités, après un audit qui a révélé une situation calamiteuse, et a publié un communiqué saignant : «La société WN se trouve dans une impasse de trésorerie très importante.» Est aussi précisé que «la priorité désormais est de reclasser sur le site ou dans le bassin d’emploi d’Amiens les salariés de WN», ce qui est une manière d’annoncer un plan social.

Frédéric Chantrelle, délégué CFDT de Whirlpool, soupire : «J’ai l’impression d’avoir été berné.» Il égrène les désillusions. Les chargeurs de batterie ? Le contrat n’est jamais arrivé. Les casiers réfrigérés ? L’usine en a produit deux, aux dernières nouvelles, mais vendu aucun. Le premier a été installé dans le centre-ville d’Amiens, pour que les commerçants puissent le tester, en déposant les commandes que leurs clients viennent chercher quand ils veulent. Petite ironie, la chocolaterie Trogneux, qui appartient à la famille de Brigitte Macron, l’utilise, d’après WN. Le deuxième, devant l’usine ex-Whirlpool, sert à Intermarché, sans que celui-ci ait acheté l’appareil cependant. La voiturette ? Le modèle n’est pas homologué, donc sa production ne peut pas commencer. Les PME qui devaient venir sur le site ? Aucune n’a pointé son nez. La seule activité à faire rentrer de l’argent dans les caisses, c’est la construction d’ascenseurs, pour le compte de SSA. Elle n’était pas prévue au programme initial : quatre ascenseurs ont déjà été livrés, dix sont en commande. Ce qui ferait travailler une trentaine de personnes, selon les syndicats. «Mais ce n’est pas ça qui va donner du boulot pendant des années», souligne François Gorlia, de la CGT.

Sérieux du repreneur

Chez WN, on plaide «le retard au démarrage» et on promet que «des contrats sont en cours de négociation» : la procédure de redressement judiciaire serait une solution pour gagner du temps, avant la concrétisation de ces prospects. Frédéric Chantrelle, craint, lui, un aller direct à la case Pôle Emploi. Car si la boîte coule, les salariés repris par WN ne bénéficieront pas du plan social mis en place par Whirlpool, puisqu’ils ont retrouvé du travail entre-temps. Pour eux, pas de budget formation à 12 000 euros, pas d’aide à la création d’entreprise de 15 000 euros. La pilule est difficile à avaler. Fiodor Rilov, l’avocat spécialiste du droit social, qui a déjà défendu les ouvriers de Samsonite ou de Goodyear, a déjà annoncé la couleur : s’il est mandaté par les salariés, il demandera «pour chaque personne licenciée l’annulation de la vente de l’usine Whirlpool à WN». Il s’interroge sur «le sérieux de l’opération [de reprise]», et demande à voir le business plan présenté par le repreneur. «Il va falloir savoir où est passé l’argent des aides», note de son côté Frédéric Chantrelle. A WN, la réponse fuse, toute simple. Les 7,4 millions versés par Whirlpool ? «Ils ont servi à payer les salaires.»

Sorgente: Whirlpool à Amiens : itinéraire d’un sauvetage devenu fiasco – Libération


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