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19 April 2024
0 10 minuti 5 anni

En Italie comme dans d’autres pays, l’extrême droite s’en prend à l’avortement, mère de toutes les batailles contre la condition féminine. Ces mesures de défense de la famille traditionnelle se veulent aussi une réponse à la question migratoire.

Vérone, Italie, 4 octobre 2018. Des dizaines d’activistes du mouvement féministe Non una di meno («Pas une de moins») manifestent en silence devant le Palazzo Barbieri, l’hôtel de ville. Vêtues de rouge, elles portent une calotte blanche sur la tête à la manière des personnages de la Servante écarlate, le roman dystopique de Margaret Atwood où les femmes sont divisées en classes et certaines réduites à un rôle purement reproducteur. En ce jour de conseil municipal, la ville s’apprête à voter la motion 434, portée par Alberto Zegler, membre de la Ligue de Matteo Salvini. Ce texte, que soutient aussi le maire de centre droit, fait de Vérone une «ville pour la vie», qui favorise «la prévention des IVG et le soutien à la maternité», en autorisant le financement public d’associations anti-avortement. Quarante ans après l’adoption de la loi 194 de 1978, qui dépénalisait l’avortement en Italie, ce vote symbolise un terrifiant retour en arrière.

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Vérone, où le clergé a toujours été très puissant, est devenu le laboratoire d’une politique anti-IVG que l’extrême droite au pouvoir en Italie appelle de ses vœux partout dans le pays. La ville, qui abrite la petite église Santa Toscana, point de rencontre des catholiques les plus conservateurs de la région, incarne les attaques des radicaux européens contre les droits des femmes, sous prétexte de défendre leur idée de la famille traditionnelle. Que réserve l’avenir pour les Véronaises dans cette Italie devenue l’épicentre de la réorganisation de l’extrême droite européenne ? «Même si le service de la ville pour les IVG fonctionne assez bien, nous craignons que les associations catholiques qui prolifèrent tentent bientôt d’infiltrer les structures médicales municipales et les hôpitaux publics», s’alarme une gynécologue de l’Association italienne pour l’éducation démographique.

Alors qu’elle avait déjà financé et accueilli un an plus tôt un Festival pour la vie, avec des personnalités anti-IVG, la ville a été l’hôte fin mars de la 13e édition du Congrès mondial des familles. A cette réunion de fondamentalistes chrétiens et de sympathisants d’extrême droite, les principaux chevaux de bataille étaient la lutte contre l’IVG, le mariage entre personnes de même sexe – l’homosexualité en général – et la pornographie.

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Le week-end a été jalonné de polémiques : les quelque 1 500 participants, dont le membre de la direction du Rassemblement national Nicolas Bay, se sont par exemple vu remettre un goodie représentant un fœtus de 10 semaines portant la mention «l’avortement arrête un cœur qui bat». Lors de son discours à la tribune, Salvini, défenseur du «droit à la vie», a expliqué qu’il ne souhaitait pas toucher à la loi 194 sur l’IVG mais, en bon promoteur de la «famille naturelle», il en a profité pour rappeler que les familles devaient être composées à ses yeux «d’un papa et d’une maman».

Comme Nicolas Bay, le ministre de l’Intérieur italien a fait de son déplacement à Vérone une opération séduction en direction des extrêmes droites européennes et un prologue au grand rassemblement des populistes réunis avec Marine Le Pen le week-end dernier à Milan. Même si, sur le fond, il reste de multiples points de divergence entre droites radicales du continent, ces dernières pourront malheureusement toujours se trouver des appuis communs contre les femmes et les féministes.

En Hongrie, la politique nataliste de Orbán

Au-delà des frontières italiennes, nombre de droites extrêmes tissent des liens particuliers avec les lobbys anti-IVG. En 2017, le Congrès mondial des familles s’est déroulé à Budapest, où on a récemment inauguré une statue à la gloire de «ceux qui élèvent les enfants». Mais la Hongrie a fait bien plus qu’accueillir les débats. Le congrès a été en partie financé par le Fidesz du Premier ministre Viktor Orbán, avec qui Salvini aimerait faire alliance à Strasbourg. Le ministère hongrois des Affaires sociales l’a coorganisé et des ministres issus de la formation d’Orbán y ont pris la parole. Le discours inaugural fut assuré par le Premier ministre en personne, lui dont le gouvernement a mis en place un ensemble impressionnant de politiques à visée nataliste. En Hongrie, une femme qui se marie avant 40 ans a accès à des prêts bancaires à taux réduit, les familles ayant quatre enfants sont exonérées d’impôt à vie et peuvent voir leurs dettes effacées en cas de naissances multiples.

En Pologne, pilule du lendemain sur ordonnance

Un peu plus au nord, le parti polonais ultraconservateur Droit et Justice (PiS) combat violemment le droit des femmes à disposer de leur corps. Contrairement au parti dirigé par Marine Le Pen, pour qui la remise en cause du droit à l’avortement est maintenant un sujet secondaire, le PiS est très ouvertement hostile à l’IVG. Certes, en 2016, face à une série de manifestations, il a dû renoncer à son projet visant à criminaliser les femmes ayant recours à l’avortement. Mais le parti conservateur a proposé deux ans plus tard de supprimer l’autorisation d’avorter en cas de malformation grave du fœtus – qui représente 95 % des interruptions volontaires de grossesse légales dans le pays, que le ministre polonais de la Santé, Konstanty Radziwill, aimerait généraliser à toutes les IVG. Père de quatre filles, l’homme a déjà déclaré que si l’une d’entre elles tombait enceinte après un viol, il l’entourerait «d’amour» plutôt que lui donner la pilule du lendemain.

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Ce mode de contraception n’est plus accessible sans ordonnance en Pologne depuis mai 2017. Quelques mois après que le gouvernement eut mis en place une prime de 1 000 euros pour les femmes n’avortant pas en cas de malformation du fœtus. En parallèle, dans un pays où de très fortes inégalités sociales persistent, le PiS a introduit de nouvelles mesures significatives comme le programme 500 +, qui alloue des aides aux familles d’au moins deux enfants, voire dès le premier enfant selon leurs revenus, ce qui incite certaines femmes à quitter leur emploi et à rester à la maison.

En Allemagne, des enfants, pas des migrants

En Allemagne, le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) – une formation alliée à la Ligue et au RN – plaide de son côté pour une «Wilkommenskultur» des enfants non nés. Elle joue sur le parallèle avec cette «culture de l’accueil» dont ont fait preuve beaucoup d’Allemands lors de l’arrivée de plusieurs centaines de milliers de réfugiés dans le pays en 2015. «Les enfants non nés ont eux aussi le droit à la vie», pouvait-on ainsi lire dans le programme du parti lors des élections de 2017. Ces coups de boutoir théoriques contre le droit à l’IVG sont d’autant plus susceptibles de porter leurs fruits à long terme que l’Allemagne, contrairement à la France, n’a jamais légalisé l’IVG : elle l’a simplement dépénalisé. L’un des arguments favoris de l’AfD consiste à jouer sur la différence entre le faible taux de natalité et l’arrivée de migrants.

«Davantage d’enfants au lieu de l’immigration de masse», défend le parti fondé en 2013. Un peu comme quand, en France, certains responsables d’extrême droite jouent avec les peurs de la «submersion migratoire» ou du «grand remplacement», cette théorie chère aux identitaires évoquant la substitution de la population «de souche» par les immigrés extra-européens. Lors d’un meeting du RN, mi-avril près d’Orléans, Nicolas Bay expliquait à la tribune que l’Union européenne justifiait «l’immigration massive par le déficit de natalité dans nos pays». La solution à ses yeux était toute trouvée : «Faire une fiscalité au service de nos populations, ainsi que l’a fait Orbán dans son pays.» Comme une boucle européenne prête à se refermer sur les femmes.

Tristan Berteloot , Johanna Luyssen correspondante à Berlin

Sorgente: Europe : une mauvaise droite contre les droits des femmes – Libération

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