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20 April 2024
0 8 minuti 5 anni

Les habitants d’un campement en Seine-Saint-Denis racontent à «Libé» l’agression dont ils ont été victimes le 7 avril. La police n’a, pour l’instant, procédé à aucune interpellation.

A l’entrée sud de leur campement de fortune, quatre hommes sont accroupis en bordure du chemin de terre qui constitue l’unique artère du bidonville. Une dizaine d’enfants papillonnent tandis que les aînés accueillent les étrangers avec des regards suspicieux. Ici, la méfiance est de mise, plus encore depuis le 7 avril, lorsque ces Roms ont été victimes d’une intimidation musclée en plein milieu de la nuit. La plupart d’entre eux habitent sur cette parcelle tout en longueur, coincée entre des voies ferrées et le cimetière musulman de Bobigny depuis octobre 2018. Ils vivent de travail au noir sur les chantiers des environs ou de mendicité. Les toilettes sont à ciel ouvert, trois ou quatre caravanes défraîchies et une vingtaine de cabanes chancelantes sont alignées sur 100 mètres. Les gamins jouent sur des tas de gravats et d’ordures. Ici, les familles roumaines n’ont ni eau courante ni électricité, tout juste peuvent-elles recharger leurs téléphones grâce aux batteries des voitures.

Un homme au pied droit bandé de gros scotch à cause d’une entaille due à l’un des détritus qui jonchent l’allée nous guide jusqu’à la baraque de Ionut Iorgu, seule personne sur le camp qui maîtrise le français. C’est un homme de 32 ans, arrivé pour la première fois en France en 2002. Il vit entre quatre murs de bric et de broc avec sa femme et ses trois enfants. Fumant cigarette sur cigarette, il commence en fronçant les sourcils : «Je ne sais pas exactement combien ils étaient, entre 20 et 30 jeunes en capuches et casques de moto. Je me suis caché, on a eu très peur.»

«Conneries»

Depuis cette nuit du 7 avril, il oscille entre inquiétude et lassitude. La scène qu’il décrit correspond à un véritable assaut façon Mad Max ou l’Equipée sauvage. Sur les coups de 4 heures du matin, une douzaine de deux-roues ont surgi par le petit chemin au sud du camp, tandis qu’entre trois et six voitures déboulaient côté nord, là où la route est plus large. «Ils avaient des bâtons, des barres de fer et aussi des pistolets. Ils ont tiré en l’air, ils criaient :”On va vous niquer, les Roumains ! Retournez dans votre pays !”» Terrorisés, les habitants du camp ont fui dans le cimetière adjacent, pendant que les assaillants brisaient méthodiquement portes et fenêtres des baraques de fortune. Une petite caravane où logeait une famille a été éventrée, la rendant inutilisable.

Désormais, des hommes du camp se relaient chaque nuit pour surveiller les accès. Il y a encore un mois, jusqu’à 150 personnes vivaient ici. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 60 ou 70, selon Ionut Iorgu. Apeurées, plusieurs familles sont en effet rentrées au pays ou parties dans un autre camp à Créteil, dans le Val-de-Marne. «Ça n’a pas duré plus de cinq minutes. On a appelé la police quatre fois, ils nous ont renvoyés d’une ligne à une autre, et personne n’est venu, explique le père de famille avant d’éjecter d’une pichenette son mégot à travers la porte ouverte. La police française est forte, elle aurait pu faire quelque chose. On a des difficultés ici, mais on ne dérange personne. On veut vivre tranquillement, les gens disent qu’on fait des conneries, mais beaucoup de Français font ça aussi.»

La communauté semble en effet plutôt discrète dans le voisinage. Selon un retraité qui jardine à seulement une vingtaine de mètres du campement, «ça fait quelques mois qu’il y a des gens du voyage mais je ne sais pas s’ils sont toujours là». Trois enfants du quartier qui passent par là sont au courant «qu’il y a des gitans», mais assurent qu’il n’y a jamais eu de problèmes.

Le lendemain de l’attaque, accompagné de son avocat, Ionut Iorgu a porté plainte au commissariat de Bobigny. Mais il n’y a toujours pas eu d’interpellations. La police est certes venue deux jours plus tard leur rendre visite, mais c’était pour leur rappeler qu’ils sont depuis février sous le coup d’une assignation d’expulsion.

La scène relatée par Ionut Iorgu n’est pourtant pas isolée. Elle fait tristement écho à d’autres quelques jours auparavant, à Bobigny déjà, et dans le Nord francilien. Si une rumeur a très vite circulé autour de «Roms voleurs d’enfants», selon Ionut Iorgu cela tient surtout au racisme. «Même la police qui est venue n’a pas proposé d’aide, ni de protection.»

Bonne volonté

Cela fait quelque temps déjà que la communauté n’est plus la bienvenue à Bobigny. Stéphane de Paoli, le maire UDI qui a mis fin en 2014 à soixante-dix ans de règne du PCF, s’est en partie fait élire en promettant la fin des campements au sein de la préfecture de Seine-Saint-Denis.

Plusieurs camps historiques, dont celui des «Coquetiers», ont depuis été démantelés. Ce «terrain d’utilité publique» que Ionut Iorgu occupe avec ses proches est ainsi au cœur d’un projet d’expansion de la ligne de tramway T11 Express, ce qui n’arrange pas les affaires de la mairie. Pour la direction de l’urbanisme, «ce n’est qu’une question de quelques mois avant que le terrain ne soit cédé à la SNCF».

De son côté, Ionut Iorgu fait son possible pour montrer sa bonne volonté : il a tout de suite demandé à la municipalité l’installation d’une benne à ordures pour ne pas salir le terrain. La mairie a répondu faire son possible, mais toujours rien. Le spectre de l’expulsion le préoccupe plus que tout. «Si on part d’ici, on va être dans la rue, et il y a un grand danger pour nous, on a peur que des jeunes nous attaquent encore plus facilement.»

Pierre Griner

Sorgente: Camp de Roms attaqué : «Ils criaient “on va vous niquer, les Roumains”» – Libération

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