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Depuis fin avril, le nord-ouest du pays, dernière zone échappant au contrôle du régime, subit les frappes de l’aviation syrienne et russe. Près de 300 civils, dont 67 enfants, ont été tués en un mois, notamment dans des hôpitaux.

Des débris de missiles dans les cageots de laitue, des pierres et des gravats dans les boîtes de gâteaux de la fête de l’Aïd. A ces images prises mardi, dernier jour du Ramadan, du bombardement d’un marché à Maarat Al-Noman, dans la région d’Idlib, s’ajoutent d’autres plus tristement familières. Maisons écroulées, corps extraits des décombres, cadavres poussiéreux et enfants sanguinolents, tout rappelle les scènes d’horreur d’Alep en 2016 ou de la Ghouta début 2018. Depuis fin avril, le nord-ouest de la Syrie, dernière zone échappant au contrôle du régime de Bachar al-Assad et contrôlée en majeure partie par un groupe jihadiste, Hayat Tahrir al-Sham, subit les frappes meurtrières de l’aviation syrienne et russe.

Kit de survie

Près de 300 civils, dont 67 enfants ont été tués depuis un mois, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), en majorité par des frappes aériennes. Les attaques ont en outre provoqué le déplacement de plus de 270 000 personnes en direction du Nord, vers la frontière turque, déjà surpeuplée. La moitié des trois millions de civils présents à Idlib sont des déplacés ayant fui d’autres régions du pays, selon les Nations unies. Dans l’impossibilité d’être accueillis dans les camps saturés, des centaines de familles n’ont trouvé que les champs d’oliviers pour installer matelas et kit de survie.

Ce nouveau drame se déroule dans une indifférence internationale qui désespère humanitaires et ONG de défense des droits de l’homme. Celles-ci multiplient appels et initiatives depuis des semaines pour dénoncer des bombardements indiscriminés contre les civils et surtout les frappes contre les structures médicales. 23 hôpitaux et cliniques ont été touchés par les raids, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) et 80 autres ont dû fermer pour ne pas exposer leur personnel et leurs patients. Dans un appel publié dimanche par l’hebdomadaire britannique The Observer, une centaine de médecins, dont le Prix Nobel de la Paix, le gynécologue congolais Denis Mukwege, ont demandé la cessation des attaques visant les structures médicales sur Idlib.

«Une poursuite des opérations militaires pourrait provoquer l’arrêt total du travail des organisations d’aide», a averti une responsable d’Ocha devant le Conseil de Sécurité de l’ONU. La disproportion dans l’usage de la violence et l’utilisation d’armes prohibées ont également soulevé des protestations des organisations des droits de l’homme. «L’alliance militaire russo-syrienne utilise de manière indiscriminée contre des civils piégés une panoplie d’armes pourtant interdites par le droit international», a déclaré la directrice par intérim de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch, Lama Fakih. Selon elle, «des armes à sous-munitions, des engins incendiaires, interdites selon le droit international, ainsi que des barils d’explosifs [sont] largués sur ces zones d’après des secouristes, des témoins et des informations disponibles en accès libre». Des soupçons d’emploi d’armes chimiques auraient également été signalés, selon le Quai d’Orsay. «Entre-temps, la Russie exploite sa présence au Conseil de sécurité de l’ONU pour se protéger, pour protéger son allié à Damas, et pour poursuivre ces exactions contre des civils», a souligné Lama Fakih.

Mardi, Moscou a empêché le Conseil de sécurité de publier un communiqué qui s’alarmait de la détérioration de la situation à Idlib et appelait les parties à respecter les règles humanitaires internationales. Face aux blocages russes systématiques, les Occidentaux se contentent de rares déclarations. «Le monde observe cette boucherie. Quel est l’objectif, qu’allez-vous obtenir ? ARRÊTEZ», a tweeté dimanche Donald Trump. Trois jours plus tôt, Emmanuel Macron s’exprimait déjà sur Twitter : «En Syrie, extrême préoccupation face à l’escalade de violence dans la région d’Idlib. Les frappes du régime et de ses alliés, y compris sur des hôpitaux, ont tué de nombreux civils ces derniers jours.»

Arc-bouté

Les tentatives de discussion avec le régime syrien restent au point mort. Alors que les Etats-Unis essaient de mettre au point un plan avec la Russie pour mettre fin au conflit, Damas n’a accepté, pour l’instant, aucun compromis, arc-bouté sur sa volonté de reconquérir Idlib par la force. «Nous, Occidentaux, devrions avoir une approche très coordonnée, très ferme, estime Michel Duclos, ex-ambassadeur de France en Syrie. Nous devrions soutenir la population civile en investissant dans l’aide humanitaire et en condamnant très fortement les usages disproportionnés de la force, les bombardements et en insistant sur l’incroyable violation des règles humanitaires, tel le ciblage des hôpitaux alors que les médecins ont donné à l’ONU les coordonnées permettant de les localiser.»

Luc Mathieu Hala Kodmani

Sorgente: Syrie : Idlib sous le feu de l’indifférence – Libération

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