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Chaque semaine, chronique des jeux de pouvoir et de l’art de la guerre dans le cyberespace. Aujourd’hui : surveillance de WhatsApp, propagande sur Facebook… Des entreprises installées dans l’Etat hébreux se sont spécialisés dans des activités sulfureuses.

En Israël, l’Etat n’a pas le monopole de l’excellence en matière de cybersécurité et de surveillance. Pionnier, Tel-Aviv a depuis longtemps intégré cette dimension à ses opérations militaires – l’armée avait eu recours à l’arme informatique dans le cadre d’une opération militaire dès 2007. Cette semaine, ce sont les acteurs privés du secteur qui ont attiré l’attention, confirmant que les entreprises israéliennes restent incontournables dans ce secteur, y compris dans ses recoins les plus barbouzards.

Lundi, la messagerie ultrapopulaire détenue par Facebook, WhatsApp, a publié une mise à jour. Celle-ci corrige une faille critique permettant d’installer un logiciel espion sur un smartphone à partir d’un appel manqué. Sans citer personne, Facebook laisse entendre qu’une entreprise «connue pour travailler avec des Etats pour installer des logiciels espions» a pu l’exploiter. Selon le Financial Times, il s’agit de NSO, une boîte créée en 2008 par deux anciens de l’Intelligence Unit 8200, l’équivalent israélien de la NSA.

«Violations scandaleuses des droits humains»

Son produit phare, Pegasus, permet de presque tout savoir sur un smartphone et son utilisateur, évidemment à son insu. Le logiciel espion peut «activer le micro et la caméra, fouiller dans les mails et messages, et recueillir les données de localisation», énumère le FT. Plusieurs militants des droits humains (en Arabie Saoudite, au Mexique, aux Emirats arabes unis) se sont plaints ces derniers mois d’avoir été victimes de Pegasus. NSO se défend en renvoyant la responsabilité sur ses clients, seuls utilisateurs de ses technologies, assure l’entreprise. Mais Amnesty International, dont l’un des membres a été ciblé par Pegasus, considère justement que la boîte israélienne n’est pas du tout assez regardante sur la nature de ces acheteurs, dont «des Etats connus pour des violations scandaleuses des droits humains».

«NSO Group n’est qu’une entreprise parmi beaucoup, beaucoup d’autres qui opèrent dans le même secteur»se désole l’expert en sécurité informatique Claudio Guarnieri, qui collabore avec Amnesty. «L’utilisation répandue de logiciels espions, l’impunité apparente des entreprises qui les produisent, et le manque inquiétant de technologies de détection des intrusions à la disposition de la société civile : tout ceci renforce l’idée d’une faillite inéluctable.» Pour rétablir l’équilibre, l’organisation en appelle désormais aux autorités israéliennes qu’elle exhorte à retirer les licences d’exportation de NSO.

Les doigts dans le pot

Dans un genre de barbouzerie un peu différent, une autre entreprise israélienne s’est fait prendre cette semaine les doigts dans le pot de fake news. Facebook a annoncé jeudi avoir supprimé 265 pages, groupes, événements et comptes sur le réseau social ainsi que sur Instagram, qui lui appartient, «impliqués dans des comportements inauthentiques coordonnés», selon l’expression consacrée. Ils visaient plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Nigeria, Togo, Sénégal, Niger) et dans une moindre mesure l’Amérique latine et l’Asie du Sud-Est.

«Certaines pages se présentaient comme étant la création d’acteurs locaux, voire comme des médias des pays concernés, et publiaient de prétendues informations confidentielles sur des hommes et des femmes politiques», a commenté le responsable de la sécurité du géant, Nathaniel GleicherDerrière ces campagnes, se cachait Archimedes Group, une entreprise basée à Tel-Aviv désormais bannie de Facebook. Spécialisée dans le «consulting politique» et le lobbying, elle est dirigée par Elinadav Heymann, qui se présente comme un ancien officier de renseignement de l’armée de l’air israélienne.

Pierre Alonso

Sorgente: Israël, terre de cyber-barbouzerie – Libération

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