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25 April 2024
0 8 minuti 5 anni

Dépôt d’un recours contre l’Etat français ce jeudi, grève lycéenne et étudiante vendredi, grande marche mondiale samedi… A l’échelle planétaire, la société civile, emmenée par de jeunes militants et surtout militantes, se rebiffe contre l’inaction des décideurs. Pour sauver ce qui est encore possible de l’être.

Mon grand-père est né à Morne-à-l’Eau, en Guadeloupe, en 1900. Il n’a mangé que ce que la terre produisait autour de lui, n’a connu qu’à plus de 60 ans l’eau en bouteille, n’a jamais su ce qu’était un plat surgelé. Il est mort «en bonne santé» à 105 ans. Beaucoup de Guadeloupéens nés dans les années 70 n’auront pas cette chance. Dès leur naissance, ils auront été exposés au chlordécone, pesticide utilisé par les producteurs de bananes. Bien avant son interdiction en 1993, l’Etat et les exploitants agricoles savaient que le chlordécone était un perturbateur endocrinien, un puissant facteur d’infertilité et favorisait le cancer de la prostate. Depuis quarante-cinq ans, ce poison fait partie du quotidien de la Guadeloupe et de la Martinique. Il a contaminé la terre des bananeraies, les légumes cultivés à proximité, l’eau des sources et des rivières, la mer, l’organisme des poissons, le corps des habitants. Pour des siècles. Depuis des décennies, les Antillais réclament justice et réparation. Faute de solidarité nationale forte et d’une communication dûment relayée, la cause progresse lentement ; le chlordécone dévore les îles françaises.

Grande échelle

Sous d’autres formes, aussi variées que les inventions des entreprises pour gagner de l’argent, le cauchemar du chlordécone prospère et se développe à grande échelle. Qu’il s’agisse de la pollution de l’air, des rejets dans l’océan (plastique, pollutions chimiques…), de la disparition de la biodiversité ou du changement climatique, le monde est attaqué de toutes parts. La mort de l’humanité approche à si grands pas qu’il ne se passe plus un jour sans la publication de rapports scientifiques pessimistes. Mercredi, l’ONU indiquait par exemple qu’un quart des morts prématurées et des maladies dans le monde sont liées aux pollutions causées par l’homme. Pourtant, il est de plus en plus clair que les pouvoirs politiques et économiques ne feront rien pour inverser le cours des choses tant que cela est encore envisageable. Pour ne prendre que le cas de la France, les récents renoncements de l’Etat sont criants ; qu’il s’agisse des réductions de pesticides, des émissions de carbone, du diesel, ou de la mise en place d’une vraie politique d’économie d’énergie. Mais à la différence du chlordécone, nous, les citoyens, sommes aujourd’hui parfaitement conscients de ce qui se joue contre nous, des effets à venir sur nos corps, de l’autodestruction promise. Désormais, la société civile se rebiffe à l’échelle mondiale. Du Pakistan à la Colombie, l’ampleur de cette prise de conscience est inédite.

Effervescence

J’écris ce texte au moment où la France connaît une accélération des actions dans ce domaine. En un mois, la pétition «l’Affaire du siècle» visant à soutenir un recours contre l’Etat pour «inaction climatique» et lancée en décembre par quatre ONG (Oxfam, Greenpeace, Fondation pour la nature et l’homme, et Notre Affaire à tous) a passé la barre des 2 millions de signatures. Ce jeudi, le recours doit bel et bien être déposé devant le tribunal administratif de Paris par les quatre associations. Vendredi, des lycéens français se joindront à ceux d’une centaine de pays pour une «grève mondiale pour l’avenir» visant à réclamer des actions fortes en faveur du climat. Samedi, la «Marche du siècle» regroupera plus d’une centaine d’ONG contre les dérèglements climatiques mais aussi contre «la violence sociale». Outre l’urgence à sauver ce qui est encore possible de l’être pour assurer l’avenir de la race humaine, ce mouvement de la société civile est intéressant parce qu’il conjugue plusieurs thèmes, en effervescence depuis des mois, et qui semblent tout à coup fusionner : la lutte pour ne pas laisser notre vie entièrement aux mains de l’économie de marché et des grands conglomérats, la justice sociale et fiscale, le refus des violences, en particulier celles faites aux femmes, la meilleure prise en compte des flux migratoires, l’aspiration à de nouvelles formes d’exercice démocratique. Je suis frappée de voir combien ces thèmes, que l’on pouvait croire disparates, trouvent leur unité dans la cause écologique.

Antigone

Je suis intriguée par le fait que le combat environnemental chez les lycéens se trouve porté très majoritairement par des jeunes filles. Antigone a de l’énergie. Plus que jamais, elle est une femme jeune et forte, qui refuse l’inaction et la loi du plus fort, dont la pulsion de vie la projette loin dans l’avenir : à l’horizon 2050 et au-delà, quand les politiques et les entreprises continuent à n’envisager que le court terme, mortifère. Contrairement aux combattants du chlordécone, usés par tant de décennies perdues, les militants de la jeune génération possèdent une arme particulièrement efficace : la communication. A cause mondiale, haut-parleur planétaire. En droit, le recours de l’«Affaire du siècle» devant le tribunal administratif a peu de chances d’aboutir à une contrainte véritable sur l’Etat. Et si le juge devait rendre une décision dans ce sens, ce ne serait pas avant cinq ou six ans, dans le meilleur des cas. Mais l’effet de ce recours est immédiat : il est largement relayé dans les médias, sur les réseaux sociaux aussi bien que dans la rue. Il pèse sur «l’agenda politique», comme on dit. L’environnement agrège les consciences. Les marcheurs pour le climat sont rejoints par les gilets jaunes. La jeune militante suédoise Greta Thunberg émeut les lycéens, les youtubeurs à la mode lui emboîtent le pas, Twitter et Facebook démultiplient l’effet qui finit par atteindre le citoyen le moins enclin à défiler. Car le citoyen le moins enclin à défiler peut aussi se dégoûter des effets de la course à l’argent sur ses bronches, sur la viande qu’il mange, sur la disparition des abeilles, sur l’empoisonnement des îles.

Estelle-Sarah Bulle

Sorgente: Climat : les citoyens activent la cause de conscience – Libération

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