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Photo du président Hassan Rohani en août diffusée par le site officiel du bureau de la présidence iranienne.

Au lendemain de la visite d’une délégation iranienne à Paris, le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, est parti mardi aux Etats-Unis discuter des modalités concrètes.

Pierre Alonso

C’est un silence dont chacun se fait l’oracle. Depuis le sommet du G7, fin août à Biarritz, le président américain, Donald Trump, ne s’est pas exprimé sur le dossier nucléaire iranien. Aucune déclaration péremptoire, rien de plus que son ouverture sibylline d’alors. Sur la côte basque, il s’était dit prêt à discuter avec l’Iran «si les circonstances [étaient] convenables». Le sont-elles ? La France veut croire que oui et redouble d’efforts pour entériner les conditions d’une «désescalade».

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Samedi, Emmanuel Macron a de nouveau longuement eu son homologue iranien au téléphone. Cette discussion de deux heures a précédé la visite, lundi à Paris, d’une délégation iranienne, composée de profils techniques plus que politiques : des responsables des ministères des Finances et du Pétrole ainsi que de la Banque centrale, emmenés par le vice-ministre des Affaires étrangères, Abbas Araghchi. Le lendemain, le ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, s’est envolé pour Washington avec, dans sa mallette, une proposition précise : 15 milliards de dollars (13,7 milliards d’euros) de lignes de crédit pour les exportations de pétrole iranien en échange d’un respect scrupuleux par Téhéran de l’accord sur le nucléaire, de garanties sur la sécurité dans le golfe Persique et d’ouvertures de discussions sur la stabilité régionale.

Asphyxie. «Le chiffre de 15 milliards de dollars vient des Iraniens», précise une source diplomatique. Le montant demandé par Téhéran correspond environ à un tiers du produit de ses exportations annuelles de pétrole en 2017, soit avant le début de la politique de «pression maximale» mise en œuvre par l’administration Trump. Celle-ci a commencé par la réimposition unilatérale de sanctions, en violation de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 par les grandes puissances et l’Iran. Elle s’est poursuivie par l’assèchement des exportations énergiques, synonyme d’asphyxie économique tant le pays dépend de ces ressources. Cette stratégie de la tension a culminé au printemps, avec une multiplication d’attaques et de sabotages de navires dans le Golfe, dont l’Iran est soupçonné, qui a failli dégénérer en conflit ouvert entre les deux Etats. A la même période, la République islamique a aussi annoncé ne plus respecter toutes les clauses de l’accord.

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Depuis, la France multiplie les initiatives afin de trouver «les conditions d’une désescalade». L’Elysée a dépêché à deux reprises à Téhéran son conseiller diplomatique, Emmanuel Bonne, et multiplié les contacts avec l’exécutif iranien, aboutissant à l’invitation, présentée comme surprise, du ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à Biarritz, en marge du sommet. Donald Trump n’ayant montré aucun geste d’humeur, ni pendant ni depuis, Paris y voit le signe d’une «ouverture», selon l’expression de Jean-Yves Le Drian, le chef de la diplomatie française, qui s’exprimait mardi devant l’Association de la presse diplomatique.

D’où les discussions en cours sur les «modalités» : montant des lignes de crédit et exemptions aux sanctions, des «waivers» accordés par le Trésor américain. Trois pays se montrent très intéressés par l’or noir iranien, la Chine, le Japon et l’Inde, qui bénéficiaient de dérogations jusqu’au début du mois de mai. L’administration Trump les avait levées pour accroître la pression sur Téhéran.

Accroc. Le mécanisme mis en place par Berlin, Londres et Paris n’a quant à lui pas encore fonctionné. Téhéran se montre peu intéressé car il n’est pas prévu pour des produits sanctionnés (donc du pétrole) et parce qu’il nécessite une structure miroir en Iran que le Trésor américain pourrait cibler dès la première transaction, ainsi qu’une mise en conformité du système bancaire iranien aux standards internationaux, réforme engluée dans les jeux de pouvoirs téhéranais.

Tout en se montrant prêts à discuter, les responsables iraniens maintiennent une forte pression. «Si d’ici à jeudi ces négociations n’aboutissent à aucun résultat, nous annoncerons la troisième phase de réduction de nos engagements», a déclaré mardi le président iranien, Hassan Rohani. Le porte-parole de l’Agence iranienne de l’énergie atomique, Behrouz Kamalvandi, s’est fait plus précis, indiquant que l’Iran était capable d’enrichir l’uranium à 20 % (contre 4,5 % depuis le début de l’été d’après l’Agence internationale de l’énergie atomique), ce qui constituerait un sérieux accroc à l’accord de Vienne qui fixait la limite à 3,67 %.

Il s’agirait «d’un mauvais signal», analyse la source diplomatique précitée, qui «rendra[it] le travail plus compliqué mais la même nécessité demeurera parce qu’il n’y a pas d’autres moyens de sortir de l’escalade actuelle». La France semble d’ailleurs avoir fait un pas vers l’Iran. Alors qu’elle dissociait le contentieux autour du programme balistique des autres sujets, elle le dilue désormais dans le volet sur la stabilité régionale.

Sorgente: Liberation.fr

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