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19 April 2024
0 12 minuti 5 anni

Ursula von der Leyen, la candidate proposée par les chefs d’Etat le 2 juillet, pourrait avoir besoin des voix de députés eurosceptiques pour être confirmée ce mardi par le Parlement européen. En cause, certains Verts et socialistes allemands qui refusent de voter pour elle, pour des raisons nationales.

La confirmation de la présidente désignée de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen, se joue ce mardi à Strasbourg, mais surtout à Berlin. En effet, les bisbilles germano-allemandes menacent de fragiliser d’entrée de jeu l’ancienne ministre de la Défense d’Angela Merkel : si son élection ne fait guère de doute, elle risque de devoir sa majorité au renfort des eurosceptiques et des démagogues. Comme le note Sven Giegold, député européen des Grünen allemands, Von der Leyen «pourrait devenir la première présidente élue sans majorité pro-européenne. Ce serait un signal catastrophique puisqu’elle serait alors également la présidente des ennemis de l’Europe». Un constat qui n’empêchera pas Sven Giegold de voter contre elle au risque de permettre la réalisation de sa prophétie…

En théorie, la présidente choisie par le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement le 2 juillet aurait dû compter sur une large majorité composée des 182 élus conservateurs du Parti populaire européen (PPE), sa famille politique, des 153 membres du groupe socialiste, des 108 de Renouveler l’Europe (RE), où siègent les députés macronistes, et des 74 du groupe Vert, soit 517 voix sur 747 (1), soit bien au-delà de la majorité absolue des membres (374) exigée par les traités européens. Mais les Verts se sont immédiatement cabrés : pour eux, la remise en cause par les gouvernements du système des Spitzenkandidaten (où la tête de la liste arrivée en tête aux élections européennes doit être nommée président de la Commission) est une atteinte inadmissible à la démocratie européenne. Une attitude étrange à deux titres : d’une part, car ce système impose a minima au parti vainqueur de réunir une double majorité au Conseil européen et au Parlement sur le nom de leur tête de liste. Or ce n’était pas le cas de l’Allemand Manfred Weber, ni les socialistes ni les centristes ne voulant voter pour lui. D’autre part, parce que Weber, pour qui les Verts étaient prêts à voter en échange d’un programme de coalition reprenant quelques-uns de leurs thèmes de campagne, est infiniment moins social et soucieux de l’environnement que Von der Leyen : membre de la CSU, la branche bavaroise de la CDU, il a toujours défendu les intérêts des constructeurs allemands, notamment lors du «dieselgate». Pire, il a longtemps protégé le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, dont le parti est membre du PPE…

Calcul et trahison

«Leur attitude est totalement incompréhensible», se désespère Daniel Cohn-Bendit, ancien coprésident des Verts, qui essaye, en vain, de convaincre ses amis de revenir à la raison. En réalité, ce groupe, dominé par les Grünen (25 élus) et les Français d’EE-LV (12 élus), joue moins un jeu européen que de politique intérieure. Pour les Allemands, faire mordre la poussière, ou au moins affaiblir, Von der Leyen, c’est provoquer une crise en Allemagne qui pourrait déboucher sur des élections anticipées et donc permettre leur arrivée au pouvoir, si l’on en croit les sondages. Pour les Français, voter contre elle, c’est voter contre Macron, puisque c’est lui qui a permis de sortir le Conseil européen de l’ornière en proposant cette candidate de compromis.

Chez les socialistes allemands, le calcul est le même. Le SPD, actuellement privé de direction, est furieux que la suggestion de Martin Schulz, l’ancien président du Parlement européen et candidat malheureux à la chancellerie, approuvée par Merkel puis Macron, ait été rejetée par une partie des chefs de gouvernement du PPE. L’idée était de nommer président de la Commission le Néerlandais Frans Timmermans, tête de liste des socialistes arrivés en seconde position aux élections européennes, puisque son nom suscitait a priori moins de rejet que celui de Weber. La nomination surprise d’Ursula von der Leyen a donc été vécue comme une trahison, le SPD contraignant même Merkel à l’abstention lors du sommet européen du 2 juillet. «C’est notre ministre la plus faible», a immédiatement taclé Schulz alors que son parti gouverne l’Allemagne en Grosse Koalition («grande coalition», GroKo) avec la CDU-CSU… Depuis, les 16 eurodéputés du SPD se démènent comme de beaux diables pour pousser l’ensemble de leur groupe à voter contre Von der Leyen, à l’image de Katarina Barley, toute nouvelle vice-présidente du Parlement européen, qui la connaît pourtant bien puisqu’elle a siégé à ses côtés comme ministre de la Justice…

«Inadéquate et inappropriée»

Le SPD estime ne pas pouvoir voter pour elle parce qu’elle n’est pas l’une des Spitzenkandidaten, omettant le fait, comme les Verts, qu’aucune des têtes de liste n’avait de majorité au Conseil européen ou au Parlement. Mais il l’attaque aussi en critiquant sa personnalité. Ainsi, Jens Geier, le chef de la délégation du SPD au Parlement, a fait circuler un papier (rédigé en anglais pour être certain d’être bien compris) dressant un portrait assassin de la présidente désignée, qualifiée de «candidate inadéquate et inappropriée» qui «se surestime depuis toujours». Dans ce réquisitoire, le député estime qu’Ursula von der Leyen a été une ministre de la Défense «faible» qui n’a jamais réussi à obtenir la confiance de la Bundeswehr, pas plus qu’à la renforcer, et rappelle qu’elle traîne plusieurs casseroles (dont le coût faramineux de la rénovation d’un navire-école de la marine ou des accusations d’avoir plagié une partie de sa thèse…). Une stratégie pour le moins suicidaire, puisqu’un tel vote de défiance pourrait faire exploser la GroKo en plein vol, provoquant alors des élections anticipées dont les sociaux-démocrates sortiraient lessivés. C’est pourquoi tout le SPD n’est pas sur cette ligne : dimanche, Otto Schily, ancien ministre de l’Intérieur, a qualifié, dans le quotidien Die Welt, la stratégie du SPD de «minable» et de «déloyale». Pour lui, ses amis mettent en danger la stabilité de l’Europe au nom «d’étroits intérêts partisans» : «Je n’aime pas employer le mot de “catastrophe”, mais le rejet de la candidature de Von der Leyen constituerait une déplorable débâcle.» Ambiance.

L’Elysée estime aussi que «le SPD fait à Strasbourg ce qu’il n’ose pas faire à Berlin». Si le Parti social-démocrate (16 députés) peut déjà compter sur le soutien des 5 socialistes français (qui, tout comme EE-LV, joue l’opposition à Macron) et des 2 Belges francophones (toujours à la remorque de leurs homologues hexagonaux), soit 23 députés sur 153 socialistes, la question est de savoir s’ils entraîneront avec eux un tiers des membres, le gros des troupes, notamment constitué des Espagnols (20) et des Italiens (19) ayant déjà annoncé son soutien à Von der Leyen. «Schulz parie sur l’effet de contagion et fait jouer ses contacts», raconte un diplomate européen. Pour ne rien arranger, la présidente désignée a compliqué la tâche de ses soutiens en se livrant, la semaine dernière, à de médiocres prestations devant les groupes, refusant de s’engager clairement et cherchant à ménager la chèvre et le chou, mal conseillée par son compatriote Martin Selmayr, le secrétaire général de la Commission. «Elle n’a pas été bonne», admet-on à Paris. Autant dire que les calculettes chauffent, d’autant qu’une vingtaine d’eurodéputés seront déjà en vacances (!), ce qui équivaut à un vote contre…

Ursula von der Leyen peut compter à coup sûr sur le soutien des groupes PPE et RE, soit 290 voix au mieux : en effet, le vote étant secret, des défections ne sont pas à exclure. Si on ajoute, au pire, une centaine de socialistes, on atteint 390 voix, soit à peine 16 voix au-delà de la majorité absolue (374 voix). On est non seulement très loin d’une large majorité, équivalente à celle obtenue par Jean-Claude Juncker en 2014 (422 voix avec 729 députés présents), mais la marge est trop étroite pour sécuriser son élection.

Cauchemar et dette

C’est là où interviennent les eurosceptiques et les populistes, qui ont flairé la bonne occasion de peser sur la future présidente : le PiS polonais (Droit et Justice) au pouvoir à Varsovie, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S) ou encore la Ligue de Matteo Salvini ont d’ores et déjà annoncé qu’ils voteraient l’investiture d’Ursula von der Leyen, soit un apport d’au moins 68 voix. Mais une présidente de Commission qui leur devrait son élection – l’étroitesse de la marge sera un indicateur de l’importance de leur apport – sera affaiblie dès le départ, car le soupçon pèsera tout au long de son mandat qu’elle cherche à payer sa dette. C’est pour éviter ce cauchemar que les capitales se mobilisent pour convaincre leurs députés de rentrer dans le rang et surtout essayent de convaincre Von der Leyen de muscler le discours-programme qu’elle prononcera ce mardi à 9 heures en prenant des engagements précis en matière environnementale, sociale, institutionnelle ou encore d’intégration.

(1) Le nombre normal est de 751. Mais trois députés catalans n’ont pu prêter serment sur la Constitution espagnole à Madrid, l’un parce qu’il est en prison, les deux autres, dont l’ex-président de la Généralité, Carles Puigdemont, parce qu’ils sont réfugiés en Belgique. Et un député danois a été nommé ministre.

Jean Quatremer

Sorgente: (1) Présidence de la Commission européenne : Strasbourg vote, Berlin sabote – Libération

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