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Le texte a été examiné en première lecture, amputé en commission de l’article permettant au gouvernement de légiférer par ordonnance. Les sénateurs craignent des dérogations à la protection des monuments historiques.

On ne doit pas trouver beaucoup de voix en France pour dire qu’il ne faut pas restaurer Notre-Dame de Paris, mais dans les rangs des parlementaires, on en trouve pas mal pour affirmer qu’il ne faut pas le faire avec la loi que le gouvernement leur soumet. Déjà, à l’Assemblée nationale, le texte avait été passé à la moulinette de l’opposition à droite comme à gauche. La possibilité donnée au gouvernement de légiférer par ordonnances pour «assouplir» des règles sans préciser ni lesquelles ni comment a affolé certains députés. Discutée au Sénat ce lundi, elle n’a pas survécu au passage préalable en commission. L’article 9 y a été supprimé.

Mais dans ce texte, pas grand-chose ne passe. En particulier pas le délai de cinq ans, posé dès le lendemain de l’incendie par Emmanuel Macron, ce «péché d’orgueil» avait-on entendu sur les bancs de l’Assemblée. Au Sénat, Bruno Retailleau (LR) en rajoute sur l’impénitence : «Vouloir reconstruire Notre-Dame “plus belle encore”, comme l’a dit le président de la République, c’est faire preuve d’une prétention qui confine à l’arrogance», assène-t-il. D’ailleurs, l’idée même de lancer un concours international pour la reconstruction de la flèche, même si elle ne figure pas dans le projet de loi, prouve aux yeux du sénateur de la Vendée que le chef de l’Etat n’a rien compris : «Les Français n’attendent pas une prouesse. Le seul geste que nos concitoyens attendent, ce n’est pas un geste de modernité, mais un geste de fidélité.»

«Urgence»

Au-delà du délai, c’est l’existence même d’une loi ad hoc qui pose problème. «Fallait-il une loi d’exception ? interroge Albéric de Montgolfier, rapporteur général (LR) de la commission des finances. La réponse est non.» Faut-il un cadre juridique pour aller plus vite ? «Rien ne sert de courir si l’on n’est pas pressé», dit Mireille Jouve (Bouches-du-Rhône, RDSE), citant Pierre Dac. «A la patience, vous substituez l’urgence, résume Bruno Retailleau. A la persévérance, la performance de reconstruire en cinq ans.»

Y a-t-il de bonnes raisons pour créer un établissement public dédié à cette restauration ? «Le ministère de la Culture dispose de plusieurs maîtres d’ouvrage possibles, fait remarquer Alain Schmitz (Yvelines, LR). On peine à comprendre la volonté de créer un tel établissement.» La défiance à l’égard du ministère de la Culture, dont les fonctionnaires ont contribué à sauver ce qui pouvait l’être le jour du sinistre, ne passe pas du tout. Pas plus l’idée d’utiliser les dons pour faire fonctionner cette machinerie.

«Risque de ridiculiser la France»

Mais ce qui passe le moins, c’est l’article 9, qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnances pour, dixit Franck Riester, ministre de la Culture, «définir les assouplissements qui porteront sur les procédures». Ce jargon ne calme pas du tout les esprits. Catherine Morin-Dessailly (Seine-Maritime, Union centriste), ne pense pas «que les Français attendent qu’on malmène l’Etat de droit». Le ministre a beau répéter qu’il n’est «pas question de piétiner le droit du patrimoine», nombre de sénateurs en doutent. Déroger aux règles, même pour Notre-Dame, n’est-ce pas donner un mauvais exemple ? «Comment garantir le respect de ces règles par les autres propriétaires si l’Etat s’en affranchit pour son chantier le plus emblématique ?»demande ainsi Catherine Morin-Desailly.

Mais surtout, en dérogeant aux règles, «vous prenez le risque de ridiculiser la France, assène Retailleau, parce que c’est sous son impulsion que l’Unesco a établi les critères précis pour la protection du patrimoine de l’humanité. C’est aussi grâce à la France que la charte de Venise a été adoptée et parce qu’enfin, c’est en France que l’on trouve l’excellence inégalée de nos architectes en chef, de nos historiens de l’art, de nos compagnons». Bref, la France est regardée.

Sibylle Vincendon

Sorgente: Notre-Dame : au Sénat, la loi d’exception passe mal – Libération

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