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19 April 2024
0 14 minuti 5 anni

Documentaire quasi nostalgique sur Mussolini, temps de parole démesuré pour les populistes et nationalistes au pouvoir, interviews complaisantes… La RAI, dirigée par le prorusse eurosceptique et homophobe Marcello Foa, ne cache plus ses entorses à la pluralité et à la déontologie.

Pendant sept jours, il n’a rien dit. Puis, au bout d’une semaine, le très souverainiste président de la RAI (l’audiovisuel public italien), Marcello Foa, désigné par la majorité populiste composée du Mouvement Cinq Etoiles et de la Ligue a finalement concédé dimanche que le reportage sur le 74e anniversaire de la mort de Benito Mussolini, le 28 avril 1945, était «disproportionné. Il y a eu une erreur». Diffusé sur une antenne régionale de la télévision publique, on y voyait durant environ deux minutes une cérémonie de nostalgiques à Predappio, le village natal du Duce, présentée comme une sorte de rendez-vous champêtre sans la moindre distance et rappel des horreurs du fascisme. Une ancienne auxiliaire de la République sociale de Salò, âgée de 92 ans, y faisait part de sa tristesse et assurait qu’à l’époque «tout fonctionnait et on avait beaucoup d’espoirs». Une petite-fille du dictateur se réjouissait de «l’affection» démontrée pour l’occasion, tandis que des jeunes en chemise noire, drapeaux italiens dans la main gauche, bras droit tendu, rendaient hommage au «camerata Mussolini» et revendiquaient le retour du fascisme. Du jamais vu sur la RAI, poussant l’association nationale des résistants à dénoncer le reportage comme «deux minutes d’outrage à l’Italie». Finalement, le rédacteur en chef de la rédaction locale de la RAI a remis samedi sa démission.

«Ce sujet a mûri dans un climat politique général où même des journalistes qui n’ont rien à voir avec l’extrême droite laissent passer ce genre de reportages», se désole un responsable de la télé publique qui préfère conserver l’anonymat. Car, depuis l’arrivée au pouvoir en juin 2018 de la coalition populiste, le vent a tourné à Viale Mazzini, siège de la RAI à Rome. «La RAI a toujours été considérée comme le butin de guerre des vainqueurs des élections», rappelle le critique télé du Corriere della Sera Aldo Grasso. L’arrivée des populistes et des souverainistes n’a pas dérogé à la règle, notamment au profit du leader de la Ligue, Matteo Salvini, qui cumule les fauteuils de ministre de l’Intérieur et de vice-président du Conseil.

Selon l’Autorité pour les garanties dans les communications, rien qu’en janvier, ce dernier aurait à lui seul occupé 15,5% du temps de parole sur le principal journal télévisé du pays, celui de RAI Uno (confié à des proches des Cinq Etoiles) et 20,5% sur celui de RAI Due dirigé par Gennaro Sangiuliano, ancien dirigeant local du néofasciste MSI, auteur d’une biographie Poutine, vie d’un tsar et grand ami de Matteo Salvini. «Par comparaison, Nicola Zingaretti [actuel secrétaire du Parti démocrate, ndlr] n’a eu que 1,6% du temps de parole sur RAI Uno et 1,8% sur le journal télévisé de RAI Due», s’insurge l’opposition de gauche.

A la direction de la RAI, on minimise : «C’est vrai que le journal télévisé de RAI Due est clairement souverainiste, mais il a peu d’audience. D’ailleurs, en général, l’information télévisée ne compte plus beaucoup par rapport aux réseaux sociaux. Si Matteo Salvini est si présent sur le petit écran, c’est parce qu’il est très actif sur Twitter et Facebook et que les télés suivent», se justifie-t-on au sommet de Viale Mazzini.

Sifflets coupés

Représentant du Parti démocrate (PD) au sein de la commission parlementaire de vigilance sur la RAI, le démocrate Michele Anzaldi ne compte plus, lui, les entorses aux règles de déontologie et au pluralisme : des sifflets accompagnant dans une réunion publique le vice-Premier ministre (Cinq Etoiles) Luigi Di Maio, coupés au JT, en passant par la diffusion d’images volées d’un interrogatoire judiciaire du père de l’ancien président du Conseil (PD) Matteo Renzi, «la RAI ne remplit plus son rôle de service public, elle est totalement déséquilibrée, dénonce-t-il, il faut aller sur les chaînes commerciales pour voir des émissions sérieuses d’approfondissement politique. La RAI souverainiste a aussi supprimé les programmes satiriques parce qu’ils égratignaient les gouvernants. La situation est pire que du temps de Silvio Berlusconi car il avait face à lui des professionnels qui pouvaient éventuellement lui dire non. Marcello Foa n’est pas un président garant, mais il est totalement lié au nouveau pouvoir».

Eurosceptique, prorusse, pro-Assad et homophobe, Marcello Foa, âgé de 55 ans, a en effet été imposé l’été dernier en tordant les règles de désignation à la tête de l’audiovisuel public. L’opposition a bien tenté, en vain, de s’opposer à la nomination de cet ancien journaliste du Giornale de la famille Berlusconi qui à plusieurs reprises a relayé des fake news sur les réseaux sociaux sans jamais les démentir. Arrivé à la tête de la RAI, celui-ci empiète largement sur ses compétences et tente d’imposer ses hommes et ses choix à l’administrateur délégué Fabrizio Salini, désigné par les Cinq Etoiles.

«La nouveauté par rapport aux années Berlusconi, c’est qu’il n’y a pratiquement plus d’autonomie ni même de réactions. Pas la moindre grève de protestation. On assiste à une occupation sans précédent des postes de pouvoirsavec une répartition entre les deux formations de la majorité. Mais il faut dire que le précédent gouvernement de Matteo Renzi a permis cette situation car, pensant rester au pouvoir, il a réformé la RAI en la mettant davantage sous la coupe de l’exécutif», considère un auteur de programmes qui – signe des temps de la RAI populiste – préfère lui aussi que son nom ne soit pas publié («Il y a beaucoup de pressions»). Comme, par exemple, sur Fabio Fazio, l’un des animateurs vedettes de la RAI devenu la bête noire médiatique de Matteo Salvini car soupçonné de sympathies à gauche et d’avoir notamment invité régulièrement dans son émission phare Che tempo che fa («le temps qu’il fait») l’écrivain Roberto Saviano.

«Autocensure»

Pris pour cible par le ministre de l’Intérieur qui réclame publiquement et quotidiennement sa tête, au prétexte que son cachet serait trop élevé, Fabio Fazio, accusé «d’être un communiste avec le portefeuille plein», a été contraint de prendre lui-même à sa charge son déplacement à Paris pour pouvoir interviewer Emmanuel Macron en plein conflit entre l’actuel gouvernement populiste italien et le chef de l’Etat français.

«RAI Uno est plus institutionnelle, elle n’est pas aussi souverainiste que RAI Due», estime une journaliste du journal télévisé de la première chaîne, «mais il y a une autocensure sur certains thèmes, à commencer par la mauvaise gestion de la ville de Rome, dirigée par la maire Cinq Etoiles Virginia Raggi». Entre les interviews complaisantes avec le leader de l’alt-right américaine Steve Bannon ou l’ultranationaliste russe et antisémite Alexandre Douguine et le soutien systématique à Matteo Salvini, RAI Due revendique, elle, un souverainisme débridé. « Chaque soir, le JT de la chaîn e suit cette ligne avec un alignement sur la Russie de Poutine et une haine viscérale de la France de Macron», résume le critique Aldo Grasso.

Par petites touches, c’est la narration du pays qui évolue sur les ondes de la péninsule. Cette année, le traditionnel festival de la chanson de San Remo n’a pas invité d’artistes étrangers. «Exclusivement pour des raisons budgétaires et de choix artistique, a-t-on expliqué en substance à Viale Mazzini. Cela n’a pas de sens d’inviter des chanteurs étrangers qui viennent uniquement pour faire la promotion de leurs albums.» Reste que l’issue du concours, mi-février, a donné lieu à une déferlante nationaliste et xénophobe. Plébiscité par le jury composé de professionnels alors que le jury populaire lui avait préféré un autre concurrent, le vainqueur, Alessandro Mahmood, né à Milan d’une mère sarde et d’un père égyptien, a été vivement pris à partie par de nombreux spectateurs encouragés par un tweet de Matteo Salvini : «Mahmood… que dire… c’est la plus belle chanson italienne ? ! ? […] qu’est-ce que vous en dites ?»

Hymne national

«Le système de vote doit être corrigé», a de son côté enchéri Marcello Foa, stigmatisant le fossé séparant, selon lui, les élites du jury de professionnels et le vote populaire. «Le public doit se sentir représenté», a insisté le président de la RAI qui, quelques semaines plus tôt, et après des années de protestations d’auditeurs, a décidé de faire exécuter l’hymne national italien diffusé deux fois par jour sur la radio publique par l’Orchestre symphonique de la RAI et non plus par le Philharmonique de Berlin. «Les Italiens d’abord», martèle Matteo Salvini. «Les télévisions généralistes sont naturellement très liées à l’identité nationale, mi nimise-t-on à la direction de Viale Mazzini, comme en France où l’on privilégie les produits nationaux, notamment pour limiter l’influence américaine.» Journaliste gastronomique, Vittorio Castellani, plus connu sous le nom de «chef Kumalé» a en tout cas été lui clairement écarté de la RAI pour xénophilie. Dans le cadre de la très populaire émission de télé-réalité culinaire intitulée la Prova del cuoco et animée par l’ancienne fiancée de Matteo Salvini, l’homme tenait une rubrique sur les cuisines du monde. Sa collaboration a été suspendue en octobre. «Ils m’ont dit que le programme voulait se focaliser sur les traditions et les plats italiens et que la préférence serait donnée au multirégionalisme plutôt qu’au multiculturalisme, confie-t-il. Le climat que l’on respire à la RAI est très préoccupant. Le pays se replie sur lui-même et il devient impopulaire de parler de certains thèmes.» A commencer par l’immigration et l’intégration. La fiction télévisée Tutto il mondo è paese («le monde est un village»), inspirée du maire de Riace, Domenico Lucano, qui avait transformé son village de Calabre en terre d’accueil pour les déshérités, n’a jamais été diffusée. Elle est officiellement en attente de la fin des enquêtes pour organisation de mariages de convenance et de fraude aux dépens de l’Etat.

«Désormais, on s’autocensure. On évite de présenter à la RAI des projets de fictions qui abordent certaines thématiques», confie une productrice. Conçus et réalisés bien avant l’arrivée du nouveau gouvernement, les téléfilms diffusés au cours des derniers mois n’épousent pas le discours nationaliste, anti-immigrés et ultratraditionaliste porté par la Ligue. «Je ne crois pas que cela changera et je n’ai pas de signes allant dans ce sens. L’actuelle responsable des fictions à la RAI est une personne très autonome et n’a pas été nommée par la nouvelle direction», souligne Giancarlo Leone, président de l’association des producteurs audiovisuels, mais il reconnaît «qu’un producteur qui voudrait raconter une histoire d’intégration rencontrerait quelques difficultés».

Le nouveau plan éditorial de la RAI pour la saison prochaine est en cours d’élaboration. Alors que les tensions politiques s’exacerbent entre la Ligue et les Cinq Etoiles, ces derniers tentent depuis quelques semaines de marquer leur différence à Viale Mazzini en cherchant notamment à limiter l’influence de Marcello Foa. Mais les futurs programmes pourraient refléter une emprise encore plus grande de Matteo Salvini si, comme l’indiquent tous les sondages, celui-ci devait sortir grand vainqueur des élections européennes.

Eric Jozsef correspondant à Rome

Sorgente: Italie : la télé publique aux petits soins du salvinisme – Libération

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