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Hausse du temps de travail, baisse des impôts, pas moins de fonctionnaires… Les annonces du Président brassent suffisamment large pour concilier les attentes des sociaux-démocrates et celles des libéraux du parti majoritaire.

«Transformé», selon ses propres termes, par trois mois de grand débat, Emmanuel Macron a présenté le projet «plus juste et plus humain» qui sera la feuille de route du gouvernement dans l’acte II du quinquennat. Dans la majorité, elles semblent donner satisfaction à toutes les sensibilités. Ce qui était loin d’être gagné tant les incertitudes sur la sortie du grand débat avaient exacerbé le clivage entre les ailes sociale-démocrate et libérale au sein de la macronie ces dernières semaines. La gauche de la majorité ne cachait pas son inquiétude face à l’offensive des élus et ministres issus de la droite, très insistants, eux, sur leurs fondamentaux : baisse des impôts et de la dépense publique, hausse du temps de travail et recul de l’âge de départ à la retraite.

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Au lendemain de la conférence de presse d’Emmanuel Macron, les deux camps ont des raisons de se dire comblés par les annonces présidentielles. Des raisons différentes, voire opposées. Les libéraux se félicitent que le cap soit tenu, sans tournant et en maintenant une politique de l’offre qui récompense le travail et améliore la compétitivité. «Moderniser notre économie, réduire nos déficits publics, réarticuler une vraie ambition européenne […] étaient, je le crois très profondément, de bonnes orientations. Ces fondamentaux des deux premières années doivent être poursuivis et intensifiés», a expliqué le chef de l’Etat jeudi soir. Ce qui permet aux anciens hérauts de la droite passés sous pavillon macroniste de crier à la victoire de la ligne incarnée par le Premier ministre, l’ex-juppéiste Edouard Philippe.

Leçons

De leur côté, les marcheurs revendiquant une sensibilité sociale-démocrate applaudissent le nouveau Macron, qui a exposé jeudi les leçons qu’il retenait de sa centaine d’heures en grand débat partout en France, et notamment que «le peuple français veut avoir sa part de progrès», qu’il souffre d’un «profond sentiment d’injustice fiscale et territoriale». Conséquence, selon lui, de politiques publiques «largement pensées au sortir de la Seconde Guerre mondiale» et désormais totalement inadaptées. Evoquant la situation des mères isolées ou des retraités, Emmanuel Macron s’est félicité que le grand débat lui ait permis de «toucher l’épaisseur des vies» de ses concitoyens.

«Jupiter»

Le député LREM des Hauts-de-Seine Jacques Maire salue d’abord «une grosse inflexion de méthode». S’il ne renonce pas à transformer le pays, le chef de l’Etat choisit désormais de déléguer : la réflexion sur les modalités de la transition énergétique confiée à un conseil de participation citoyenne, la réforme de l’ENA confiée à Frédéric Thiriez et les conditions de la baisse des dépenses publiques confiée aux bons soins du Premier ministre. «Vous m’avez à de nombreuses reprises reproché de décider de tout, tout seul. Et là je vous dis : non, le président de la République ne peut pas faire tout […], il doit permettre au gouvernement et au Parlement de prendre leur part», a souligné Macron, manifestant apparemment des velléités d’en finir avec «Jupiter».

Mais ce que Jacques Maire a particulièrement apprécié, c’est que le chef de l’Etat ne place pas la baisse de la dépense publique «au centre du débat», allant jusqu’à envisager de revenir sur son engagement de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires. Ce qui ressemble fort à un marqueur. «On doit réinvestir dans la sécurité, dans l’éducation et dans la justice. Je ne vais pas donner des injonctions contradictoires au gouvernement», a déclaré le Président, ravissant les oreilles des macronistes de gauche.

Un changement de pied jugé très positif par Sacha Houlié, l’un des animateurs de l’aile gauche du groupe LREM à l’Assemblée nationale, qui salue la promesse d’un projet humanisé, avec «plus d’accompagnement et plus de participation». Mais qui garde toutefois quelques regrets : l’absence d’une taxation plus lourde des successions et des niches fiscales des plus favorisés. Ce qui constitue, il est vrai, un chiffon rouge pour les libéraux.

Alain Auffray

Sorgente: Annonces de Macron : à boire et à manger pour les deux ailes de LREM – Libération

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