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Macron reçoit ce mardi à l’Elysée Xi Jinping en présence de Merkel et Juncker, avec l’objectif d’afficher un front commun face à une puissance chinoise qui consolide ses positions dans l’UE.

Et l’empereur rouge réveilla la vieille Europe. Après des années de naïveté, l’Union européenne, et la France en tête – où le président chinois Xi Jinping est en visite d’Etat -, aurait pris la mesure des conséquences de ses divisions face au régime de Pékin et de son colossal projet d’une «nouvelle route de la soie». Entonné à Paris et à Bruxelles, ce «réveil européen nécessaire» prémunirait les Vingt-Sept des risques d’une «ChinEurope». L’UE «doit trouver la bonne posture, exister en tant que telle et pas comme une somme d’Etats membres», dit-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. C’est pour délivrer ce message de cohésion, sinon de cohérence, que le chef de l’Etat a convié ce mardi matin à l’Elysée la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Cette réunion – «une première» – doit permettre de travailler «à une définition en commun d’un nouvel ordre international», selon les mots de Macron à Nice-Matin, lundi. Le chef de l’Etat entend se poser en défenseur d’un multilatéralisme de plus en plus dévalorisé entre Washington, Pékin et Moscou, quand la Chine ne croit qu’au bilatéralisme pour vendre du made in China et avancer ses pions.

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«Illusions».En janvier 2018, à Xi’An, pour sa première visite en Chine, Macron avait mis en garde son homologue chinois : «Ces routes [de la soie] sont en partage et elles ne peuvent être univoques. Elles ne peuvent être les routes d’une nouvelle hégémonie, qui viendraient en quelque sorte mettre en état de vassalité les pays qu’elles traversent.» Et : «La Chine connaît la différence entre la suprématie et l’hégémonie.» Quatorze mois plus tard, les Européens souhaitent trouver la parade face aux appétits dévorants de Pékin et présenter un front commun face aux investissements massifs de la Chine dans le domaine des infrastructures maritimes et terrestres, des télécommunications, de l’intelligence artificielle ou des médias. Et profiter d’une réciprocité dans leurs échanges commerciaux. Depuis 2010, Pékin a investi au moins 145 milliards d’euros en Europe. «Les investissements promis par la Chine sont des prêts qui augmentent la dépendance et l’endettement,note Nadège Rolland, analyste au National Bureau of Asian Research à Washington. On se berce d’illusions. Car la Chine profite des divisions au sein des Etats membres de l’UE, en joue à son profit et les aggrave.»

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La venue de Xi en Europe aura été la criante démonstration de cette Union à hue et à dia. Avant d’arriver en France, le président chinois a fait un crochet inédit à Monaco, où il a eu droit à tous les honneurs. Car dans cette vitrine européenne, le groupe Huawei va installer sa technologie 5G, dont le déploiement inquiète les Européens. Quelques heures plus tôt, le président chinois avait déjà remporté une victoire. Avec le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, il a signé samedi un protocole d’accord «non contraignant» pour sceller l’entrée de la péninsule dans la nouvelle route de la soie. L’Italie est devenue le premier Etat membre du G7 à intégrer le projet. Au total, 29 contrats ou protocoles d’accords ont été signés, portant sur «2,5 milliards d’euros et un potentiel total de 20 milliards», selon le gouvernement italien. Mais Rome a dû composer sous la contrainte, avec les inquiétudes de Bruxelles et surtout de Washington, engagé dans une guerre commerciale et une rivalité technologique avec Pékin – qui détient une grande partie de la dette publique américaine. Une vingtaine d’accords ont été suspendus sur les 50 envisagés au départ entre Rome et Pékin.

Menaces.«L’Italie joue un jeu risqué avec la Chine sans arracher en retour beaucoup de garanties, observe Lucrezia Poggetti, chercheuse à l’Institut Mercator pour les études chinoises. Elle n’a pas obtenu d’assurance des Chinois que les entreprises italiennes pourront participer pleinement à la nouvelle route de la soie. Les autorités n’étaient pas assez préparées pour organiser la visite de Xi Jinping. Il manque une stratégie générale, une réflexion sur les possibilités économiques et les conséquences d’une telle entente.»

Côté français, outre un gros contrat pour AirbusMacron a annoncé lundi en fin de journée que Paris et Pékin allaient coopérer «sur des projets concrets» d’investissements dans les pays traversés par la nouvelle route de la soie. Xi a évoqué «trois listes de projets pilotes». Comme à chaque rencontre, les deux chefs d’Etat auraient par ailleurs eu des «échanges francs»,selon Macron, sur la question des droits de l’homme.

Arnaud Vaulerin

Sorgente: Europe : face à la Chine, l’unité infuse – Libération

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