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Pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien, l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont créé une structure protégeant le commerce dans le domaine médical et de l’agroalimentaire.

Le symbole est là. Jeudi soir, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont officiellement annoncé la création d’un mécanisme permettant de commercer avec l’Iran, malgré les sanctions américaines. La bête créée s’appelle Instex pour «Instrument in Support of Trade Exchanges».Implantée à Paris, elle sera dirigée par Per Fischer, un ancien haut responsable allemand de la Commerzbank. Les trois Etats fondateurs ont fourni 3 000 euros pour le capital de départ, qui devrait rapidement passer à 100 000 euros puis un million, selon un diplomate participant aux négociations cité par l’AFP.

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Marque de considération

Les trois capitales signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, adopté à Vienne en 2015, sont donc allées au bout de leur promesse. Ou presque. Initialement, le mécanisme devait permettre à Téhéran d’exporter son pétrole. La déclaration inattendue de Federica Mogherini en septembre avait été particulièrement bien accueillie par le gouvernement iranien, qui y trouvait là une bulle d’oxygène alors que la situation économique n’en finissait pas de se détériorer, jusqu’à un point jamais atteint ces dernières années. Les Européens concrétisaient ainsi leur volonté de préserver l’accord, officiellement dénoncé par Donald Trump en mai 2018 lorsqu’il a annoncé le rétablissement des sanctions américaines, tout en donnant espoir au gouvernement iranien, très dépendant de ses ressources pétrolières. Un bon coup politique en somme, que la réalité a vite rattrapé.

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Sans surprise, Washington a peu goûté l’initiative européenne : l’Ofac, organisme américain chargé de l’application des sanctions, a dûment rappelé que le troc n’échapperait pas à ses fourches caudines. Sur le Vieux Continent, il a fallu trouver un consensus entre tous, puis regarder dans les détails comment fonctionnerait une telle machinerie, inédite dans ce cadre – ce qui n’était pas pour déplaire à Téhéran, y voyant là une marque de considération. Cette laborieuse conception a retardé de plusieurs mois le lancement du mécanisme, et accru l’impatience du gouvernement iranien, pressé d’obtenir une contrepartie à son respect de l’accord. D’où les marques d’agacement et les provocations de l’aile la plus conservatrice.

Couvrir les «biens sous sanctions»

Les mois de travail n’y auront rien fait : Instex se limitera finalement au commerce «licite», – nonobstant les déclarations hasardeuses de Jean-Yves Le Drian la semaine dernière. Le ministre des affaires étrangères français s’est fait plus précis jeudi, citant «les domaines de la santé et de l’agroalimentaire». «Cela ne changera pas fondamentalement la situation, mais c’est un message politique important à l’Iran pour montrer que nous sommes déterminés à sauver [l’accord] et aussi aux Etats-Unis pour leur montrer que nous défendons nos intérêts malgré leurs sanctions extraterritoriales», a plaidé un diplomate européen à Reuters.

Le fonctionnement d’Instex est le même qu’initialement envisagé : pour éviter les transactions et les flux financiers, les entreprises feront du troc. Un exportateur iranien qui vend en Europe est payé par un importateur iranien qui importe depuis l’Europe. Et inversement de l’autre côté. Deux opérations sont donc nécessaires là où il n’en fallait qu’une.

Le gouvernement iranien a réagi avec flegme à l’annonce des Européens. Le vice-ministre des Affaires étrangères y a surtout vu le respect d’une parole donnée. «C’est la première étape dans le cadre des engagements pris par les Européens vis-à-vis de l’Iran, qui, je l’espère seront intégralement mis en œuvre, et non pas seulement en partie», a déclaré Abbas Araghchi, précisant qu’Instex avait vocation à couvrir «les biens sous sanctions» à terme. Les dirigeants de la République islamique sont en revanche moins prolixes sur une condition sine qua non à la réussite du mécanisme. Une chambre de compensation, structure jumelle de l’entité européenne, doit être mise en place en Iran. Jusqu’ici, les autorités iraniennes se font très discrètes sur ce point.

 

 

Sorgente: Instex, le mini-mécanisme européen contre les sanctions américaines visant l’Iran – Libération

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