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23 April 2024
0 7 minuti 5 anni

L’attentat de Pulwama, qui a tué 41 paramilitaires indiens jeudi et a été revendiqué par un groupe terroriste islamiste pakistanais, marque un tournant dans l’histoire sanglante de la région.

Dans une Inde qui voue au cricket une ferveur quasi-religieuse, le symbole révèle l’ampleur de cette nouvelle crise entre les deux voisins : lundi, le grand portrait d’Imran Khan, ancien champion du monde de cricket et Premier ministre du Pakistan depuis juillet dernier, qui ornait le restaurant du très chic Cricket Club of India, à Bombay, a été recouvert d’une bâche blanche. Avec le doublement des taxes sur l’importation des produits pakistanais, c’est la première étape des représailles menées par l’Inde contre son voisin, depuis l’attentat de Pulwama, jeudi 14 février. Ce jour-là, un convoi de 78 autocars transportant 3 000 paramilitaires Indiens dans la province indienne du Jammu-et-Cachemire a été percuté par une voiture chargée de 335 kilos d’explosifs. L’attaque a fait au moins 41 morts, et a été revendiquée par le Jaish-e-Mo­ham­med (JeM), un groupe terroriste islamiste basé au Pakistan qui compte une cinquantaine de combattants au Cachemire indien.

Les deux puissances nucléaires se disputent depuis 1947 et la partition de l’Empire britannique la région himalayenne du Cachemire, peuplée en majorité de musulmans. Depuis 1989, la partie indienne, le Jammu-et-Cachemire, est le théâtre d’une guérilla indépendantiste, menée avec la bénédiction d’Islamabad. Mais l’attentat de Pulwama marque un tournant de trois décennies de conflit. D’une part par le nombre de victimes et l’émotion générée, mais aussi par le fait que le kamikaze soit un Cachemiri et non un Pakistanais. «Les attentats-suicides à la voiture bélier sont très rares dans la région, et une telle quantité d’explosifs ne peut pas venir du Pakistan, elle n’aurait jamais pu franchir la Ligne de contrôle [ligne de démarcation très surveillée, ndlr], explique Christophe Jaffrelot, chercheur au Ceri-Sciences Po. Si l’on en croit ses parents, le terroriste a rejoint le Jaish-e-Mohammed il y a un an, poussé dans les bras des terroristes par les humiliations subies de la part les forces de l’ordre indiennes. On est devant une “indianisation” de l’action terroriste. Cela ne dédouane pas le Pakistan qui les forme, mais cela relativise la responsabilité des forces étrangères. Et surtout cela pose la question de la gestion de la zone par le BJP, le parti au pouvoir depuis quatre ans.»

«Impunité chronique»

Depuis le début de la rébellion, le Jammu-et-Cachemire et ses 13 millions d’habitants ont été mis sous surveillance étroite des forces de l’ordre indiennes, au point de devenir la région la plus militarisée au monde avec 500 000 à 700 000 soldats présents. Et un enfer pour ses habitants, particulièrement les jeunes, considérés comme des terroristes en puissance bien que la région n’abriterait «que» 250 à 300 terroristes. En trente ans, le conflit aurait fait 70 000 victimes, et un nombre incalculable de blessés. Depuis 2014 et l’arrivée au pouvoir du nationaliste hindou Narendra Modi, qui s’affiche comme l’homme fort de l’Inde, la pression s’est faite plus intense. En juin dernier, après la publication d’un rapport des Nations unies, le Haut-Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme avait dénoncé «l’impunité chronique pour les violations commises par les forces de sécurité» au Cachemire et «les souffrances indicibles de millions de personnes». New Delhi, qui s’obstine depuis toujours à refuser toute offre de médiation en arguant d’une «affaire interne», a rejeté le rapport, et est resté sourd aux propositions de négociations du Premier ministre Imran Khan. Ce qui explique peut-être le silence de la communauté internationale après l’attaque de Pulwama.

En 2016, la mort d’un leader rebelle de 21 ans, Burhan Wani, suivie de manifestations réprimées dans le sang et de la mort de 145 civils, avait nourri un nouvel esprit de révolte chez les jeunes cachemiris. Une colère récupérée par les groupes terroristes islamistes pakistanais, le JeM et le Lashkar-e-Taiba (LeT), responsable des attentats de Bombay de 2008, qui avaient fait 166 victimes. «Tous deux sont proches du pouvoir pakistanais et des services secrets. Pour un coût modeste, l’armée pakistanaise obtient un avantage immense à éviter tout rapprochement susceptible d’aboutir à des pourparlers de paix entre les deux pays. Cela lui permet de maintenir son prestige, de justifier la présence d’une si grande armée qui pèse sur 30 à 40 % du budget du pays, alors que l’économie est dans un état lamentable et le déficit chronique», reprend le chercheur du Ceri.

À lire aussi : En Inde, un journaliste défenseur de la paix assassiné

Côté indien, à quelques semaines des élections générales, l’attaque de Pulwama pourrait être l’occasion de remobiliser la nation indienne derrière le Premier ministre, qui doit faire face au chômage des jeunes et l’aggravation des inégalités. Dans un climat favorable à l’islamophobie, attisé par des médias et des élus ultranationalistes, une véritable chasse à l’homme a été lancée à travers le pays ce week-end contre les Indiens originaires du Cachemire, des marchands ont dû fermer boutique, des jeunes ont été molestés, et deux universités ont annoncé qu’elles n’accueilleraient plus d’étudiants cachemiris. «On assiste à une rage incroyable, qui alimente la spirale infernale. Les Cachemiris vont se sentir encore moins des citoyens indiens. On est en train de faire du Cachemire un grand Gaza, et de créer un problème qui va durer des siècles», conclut Christophe Jaffrelot.

Laurence Defranoux

Sorgente: (1) Inde : «On est en train de faire du Cachemire un grand Gaza» – Libération

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