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24 April 2024
0 12 minuti 5 anni

Un peu partout en Europe, lycéens et étudiants se mobilisent pour des politiques d’ampleur en faveur de l’environnement. En France, premier tour de chauffe ce vendredi avec une journée de grève, sans l’aide de syndicats ni d’ONG.

Alors que le mois de janvier a vu s’accumuler les mauvaises nouvelles climatiques, entre accélération de la fonte des calottes glaciaires et des neiges himalayennes et confirmation que 2018 avait été la quatrième année la plus chaude de l’histoire, la seule éclaircie est venue des jeunes. Emboîtant le pas à la Suédoise Greta Thunberg et sa grève scolaire pour le climat, les élèves belges et suisses âgés de 12 à 18 ans ont décidé de sécher massivement et régulièrement les cours pour alerter leurs dirigeants sur l’urgence climatique, avant d’être rejoints la semaine dernière par plusieurs milliers de lycéens hollandais. Si l’on prend en compte des mouvements plus épars, en Allemagne ou en Australie notamment, 70 000 jeunes font grève pour le climat chaque semaine dans 270 villes, selon un décompte du Guardian. Un chiffre promis à augmenter grâce aux Français et Britanniques qui entrent à leur tour dans la danse ce vendredi, avec une première journée de grève qui devrait ensuite suivre un rythme hebdomadaire.

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Dans chaque pays, la mobilisation s’est inscrite dans un contexte particulier. Les jeunes Belges veulent peser sur les élections fédérales de mai, tandis que le mouvement australien est né de l’opposition à l’ouverture d’une nouvelle mine de charbon. Mais partout, les moyens d’action sont les mêmes. Au-delà du choix très symbolique de la grève scolaire – qui proclame haut et fort que l’avenir éducatif et professionnel compte bien peu si les conditions d’une existence viable ne sont plus assurées -, ces mouvements sont tous spontanés, horizontaux, plus ou moins acéphales et nés grâce aux réseaux sociaux. De Bruxelles à Lausanne, les mêmes slogans barrent les pancartes : «Ta planète, tu la préfères bleue ou bien cuite ?» ou «Les dinosaures aussi pensaient qu’ils avaient le temps». Les jeunes grévistes ont conscience de s’attaquer à un problème international, qui ne pourra être résolu qu’à l’échelle mondiale. « On fait tous des efforts au quotidien pour polluer moins, mais maintenant on a compris qu’il faut des modes d’action collectifs si on veut des changements d’ampleur. C’est ce qu’on réclame », explique Piero Amand, 18 ans, cofondateur de Génération climat, un mouvement belge né avec les premières grèves scolaires.

Désobéissance civile

«Cette génération est la première à vraiment souffrir des dérèglements climatiques et la dernière à pouvoir agir, ce qui sécrète une forme d’angoisse», estime Victor Kristof, président de Swiss Youth for Climate, une association qui réunit des jeunes déterminés à agir pour l’environnement. Une étude de l’université de Gand publiée en janvier indique que la question environnementale est le premier sujet de préoccupation des Belges de 18-25 ans, quand elle n’est que le septième pour les plus de 50 ans. «Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les jeunes ne sont pas nihilistes du tout. Ils croient encore aux possibilités de sauver le climat, à notre capacité d’action collective. Plus que les adultes, ce sont eux qui s’inscrivent dans la longue durée», souligne Sylvain Wagnon, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Montpellier.

Au-delà des grèves scolaires, les jeunes semblent aujourd’hui former le cœur des mouvements écologistes. Un collectif de sociologues, Quantité critique, mène depuis septembre une étude, encore en phase exploratoire, sur le profil des manifestants climatiques en France. «Les moins de 26 ans représentent la population la plus déterminée à se mobiliser pour le climat. Plus les manifestations sont petites, plus les jeunes en représentent une part importante, explique Maxime Gaborit, chargé de cours à Sciences-Po et membre du collectif. A la dernière mobilisation pour le climat à Paris, “l’Agora” du 27 janvier, les moins de 26 ans formaient 33% des manifestants d’après notre échantillon.»

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Plus motivés, les jeunes sont aussi plus radicaux. «Leur registre d’action joue sur l’émotionnel, mais leurs revendications sont très claires,analyse Stéphane Canetta, porte-parole de Greenpeace Suisse. En Suisse, leurs exigences, par exemple sur les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, sont plus drastiques que celles des ONG.» Les jeunes grévistes pressent pour un changement immédiat et de grande ampleur. Et certains sont plus politisés que d’autres. « On pense qu’on ne pourra pas résoudre la crise climatique sans changer notre modèle de société consumériste. Parler de croissance verte, pour nous, c’est antithétique»,explique Piero Amand, de Génération climat, qui se veut la voix de l’écologie radicale au sein du mouvement belge. « Mais ce n’est pas du tout le message le plus répandu dans les manifestations, qui est moins politique, plus sur le registre “on a des preuves scientifiques des dégâts qui s’annoncent et des moyens de lutter, maintenant il faut que vous, politiques, vous en empariez”.» Le choix de la grève scolaire, revendiquée comme de la désobéissance civile, est lui aussi révélateur.«En France, la désobéissance civile est acceptée quasi unanimement par les militants climatiques que nous avons interrogés, mais les moins de 26 ans sont prêts à aller plus loin, ils acceptent les dégâts matériels justifiés par la cause climatique – à 66 %, contre 50 % pour le reste des participants», explique Maxime Gaborit.

Colombie

Les tentatives de poursuivre en justice les Etats pour les obliger à adopter des politiques climatiques plus ambitieuses se multiplient également. Dès 2015, 21  jeunes âgés de 10 à 21 ans, soutenus par l’ONG Our Children’s Trust, ont porté plainte contre le gouvernement américain. Ils l’accusent de mettre en danger leurs droits constitutionnels, notamment à la vie, par son inaction climatique et son soutien aux industries fossiles. Le procès, déjà repoussé à plusieurs reprises, aurait dû s’ouvrir en octobre mais la Cour suprême, dominée par les conservateurs, a gelé la procédure. En Colombie, la plus haute instance juridique a, elle, ordonné l’an dernier au gouvernement de mettre un terme à la déforestation, en lui rappelant son devoir de protéger la nature pour les générations futures, donnant ainsi raison à un groupe de 25 adolescents appuyés par l’ONG Dejusticia qui avaient attaqué l’Etat pour atteinte à leurs droits fondamentaux. Encouragés par cet exemple, sept mineurs portugais ont décidé de porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, après les incendies meurtriers qui ont ravagé leur pays cet été. Si toutes ces initiatives judiciaires ne sont pas couronnées de succès, elles représentent un moyen de peser sur les débats publics pour des jeunes qui ne sont souvent pas encore en âge de voter.

Faut-il voir dans ces «enfants du climat» l’émergence d’un mouvement écologique moins marqué politiquement et plus divers sociologiquement ? La mobilisation est trop récente pour que la réponse soit évidente, mais d’après les premiers résultats de l’étude de Quantité critique, ces jeunes n’ont pas un profil très distinct des manifestants des autres générations. «Ce sont essentiellement des jeunes issus de milieux CSP +, engagés dans un parcours scolaire assez long, marqués à gauche et plutôt sur le créneau de l’écologie radicale», explique Yann Le Lann, coordinateur de l’étude et maître de conférence en sociologie à l’université de Lille.

Etre pris au sérieux

Politisés ou non, les jeunes grévistes pour le climat font désormais face à deux défis majeurs. Il leur faut d’abord éviter la récupération de leurs mouvements, tout en les faisant vivre dans la durée. «L’indépendance et le caractère non partisan et spontané de ces mouvements sont leur force première, juge Stéphane Canetta, de Greenpeace Suisse. C’est ce qui leur permet de secouer le monde politique et la société tout entière. Il faut absolument qu’ils puissent les préserver. Nous, associations instituées, n’avons pas à nous y impliquer.» Les soupçons de manipulation ont rapidement suivi l’essor des grèves scolaires. En Belgique, la ministre flamande de l’Environnement a été contrainte à la démission le 6 février après avoir affirmé que les grèves étaient téléguidées par des organisations politiques. Dernièrement, c’est la Suédoise Greta Thunberg qui a été la cible d’attaques venues du milieu anarcho-écologiste, qui la soupçonnait d’être aux mains du «capitalisme vert», après son invitation au forum mondial de Davos, dont les grands patrons se sont servis pour se donner bonne conscience.

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Le second défi est d’être pris au sérieux par les dirigeants. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a jugé «fantastique» la première journée de grève des lycéens à La Haye, tout en affirmant ne pas pouvoir demander des mesures climatiques plus ambitieuses à son gouvernement. En novembre, au tout début de la mobilisation des jeunes Australiens, le Premier ministre, Scott Morrison, avait affirmé que « les écoles n’ont pas à être transformées en Parlements », et incité les élèves à passer moins de temps dans «l’activisme» et plus à étudier.

«Les autres combats n’ont aucun sens si celui-là est perdu. D’après le dernier rapport du Giec, il nous reste à peine douze ans pour agir et éviter des changements climatiques irréversibles, martèle Adélaïde Charlier, 18 ans, co-organisatrice du mouvement belge Youth for Climate qui a lancé la grève scolaire. Vouloir nous renvoyer sur les bancs de l’école et penser que tout va s’arranger, voilà ce qui est irresponsable

Nelly Didelot

Sorgente: Climat : la réplique jeune – Libération

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