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Pour asphyxier Maduro et hâter le transfert du pouvoir à Guaidó, les Américains ont mis sous séquestre les bénéfices de la compagnie pétrolière d’Etat, qui raffine une grande partie de son brut aux Etats-Unis.

Les Etats-Unis ont frappé un grand coup lundi en annonçant des sanctions inédites contre la compagnie pétrolière nationale vénézuélienne, PDVSA, afin d’empêcher «le détournement de ressources» par le président Nicolás Maduro. Priver le régime socialiste des revenus du pétrole, qui représente 95 % des exportations du pays (et autant des recettes budgétaires), c’est asphyxier économiquement le Venezuela et prendre le risque d’affamer encore un peu plus ses 32 millions d’habitants. Cinq jours après avoir reconnu le chef du Parlement, Juan Guaidó, comme président par intérim, la Maison Blanche s’est attaquée à PDVSA, accusée d’être «un véhicule de corruption». Ce que Caracas reconnaît, puisque des poursuites pour détournements ont été lancées contre d’ex-dirigeants de la compagnie, nommés par Chávez et aujourd’hui en fuite.

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Rupture des relations

La compagnie pétrolière d’Etat ne peut désormais plus faire de commerce avec des entités américaines, et ses avoirs aux Etats-Unis (autour de 7 milliards de dollars, soit 6 milliards d’euros) sont gelés. Les raffineries de Citgo, filiale de PDVSA aux Etats-Unis, pourront continuer à fonctionner mais les transactions financières passeront par un compte placé sous surveillance et les bénéfices seront bloqués tant que Maduro restera au pouvoir, a précisé le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin.

Nicolás Maduro a déclaré lundi avoir «donné des instructions au président de PDVSA pour engager des actions politiques, légales, devant les tribunaux américains et du monde». «Ils veulent nous voler Citgo, à nous les Vénézuéliens !», s’est emporté le chef de l’Etat, alors qu’il accueillait les diplomatesde retour au pays après la rupture des relations diplomatiques entre Caracas et Washington.

Les Etats-Unis sont le partenaire pétrolier historique du Venezuela. Pour des raisons de proximité d’abord : le pétrole de l’Orénoque, le principal fleuve du pays, parvient aisément, via la mer des Caraïbes et le golfe du Mexique, jusqu’aux raffineries du Texas ou de Louisiane. Et ce pétrole lourd, une sorte de goudron devant être transformé en essence ou en dérivés, doit être mélangé à un pétrole plus léger, que le Venezuela ne produit pas. Au fil du XXe siècle, le pays n’a pas cherché à développer ses propres capacités de raffinage, pour des raisons techniques donc, mais aussi parce que le secteur était aux mains de compagnies étrangères qui reversaient une partie de leurs bénéfices à l’Etat.

En 1976, le président Carlos Andrés Perez (social-démocrate) nationalise le secteur énergétique mais crée des entreprises mixtes où, là encore, les partenaires étrangers se chargent des investissements en échange d’un pourcentage des bénéfices. Ce modèle rentier, qui ne fait que prolonger la vieille exploitation par les pays colonisateurs, n’a été que tardivement remis en cause par Hugo Chávez, en 2007, après huit ans au pouvoir. Cette année-là, le militaire et chef de l’Etat expulse les multinationales (dont le français Total) en les dédommageant.

Etau

Mais les compagnies américaines restent les clients privilégiés du Venezuela, avec un président socialiste peu désireux de mettre ses décisions économiques en accord avec ses diatribes anti-impérialistes. De leur côté, les Etats-Unis auraient pu utiliser bien avant l’arme du pétrole pour sanctionner Caracas. Le pays n’assure que les deux tiers de ses besoins en pétrole et dérivés, et les puits de l’Orénoque fournissaient près de 9 % des importations de Washington. Aujourd’hui, la part serait tombée à 3 %, le besoin d’une source alternative est donc moins pressant. Une autre explication du revirement des Etats-Unis est le bras de fer de Trump avec l’organisation des pays producteurs à laquelle appartient le Venezuela.

L’étau qui se resserre autour du président socialiste, à la veille de nouvelles manifestations à l’appel de l’opposition, inquiète vivement les principaux partenaires de Maduro, la Chine et la Russie, qui craignent de ne jamais revoir les milliards de dollars prêtés au Venezuela.

François-Xavier Gomez

Sorgente: Venezuela : le chantage au raffinage de Washington – Libération

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